Mise à jour : September 2013

Mesures d’enquête

Les pouvoirs d'enquête sont très larges, et souvent communes aux enquêtes de flagrance et aux enquêtes préliminaires. Il est en effet toujours possible d'inventer de nouvelles méthodes d'investigation dès lors qu'elle ne contreviennent pas au principe de légalité de la preuve.

Aussi, la loi LOPPSI II du 14 mars 2011 a donné de nouvelles perspectives aux enquêteurs (fichiers d’antécédents, fichiers d’analyse stérile).

Malgré l'importance des mesures d'enquête, des limites ont été fixées afin de mieux protéger les individus.

Réquisitions judiciaires

Les réquisitions sont possible dans tout établissement privé ou public, toute administration publique et pour toute personne.

Le secret professionnel ne peut pas être opposé (puni de 3 750 euros d'amende), sauf motif légitime. Les avocats, huissiers, notaires, médecins et journalistes disposent d'une choix de réponse à des réquisitions ; néanmoins, s'ils refusent, une perquisition pourra être menée sans leur consentement dans le cadre d'une enquête de flagrance (il est également possible de passer outre l’assentiment lorsque les infractions sont punies d’au moins 5 ans d’emprisonnement).

Constatations techniques et scientifiques

Une "personne qualifiée" (issue d'une liste d'experts judiciaire, ou toute personne prêtant serment d'apporter son aide à la police) peut procéder à des examens techniques et à des constatations. Cette personne a l'obligation de déférer à la réquisition de l'autorité.

La réquisition est demandée par l'officier de police judiciaire pour les infractions flagrantes, au procureur de la République pour les enquêtes préliminaires.

Une autopsie pourra alors être demandée en vertu des articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale.

Perquisitions, visites domiciliaires

La perquisition est une mesure coercitive qui permet de rechercher des indices dans un lieu déterminé. Elle se déroule chez une personne soupçonnée d'être impliquée dans la commission de l’infraction. Les perquisitions n'ont pas seulement lieu au domicile du suspect, elles concernent toutes les « personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces ou objets relatifs aux faits incriminés ».

Elle relève d'une décision de l'officier de police judiciaire.

Notion de domicile

Les perquisitions ont lieu au domicile des intéressés. Par domicile, on entend non seulement le lieu d'habitation principal, mais aussi tous les lieux dans lesquels la personne peut se dire chez elle, quel que soit son titre d'occupation ou l'affectation des lieux. Il peut aussi bien s’agir d‘une chambre d’hôtel que d’un bureau ou d'une tente, l'important étant qu'il s’agisse d’un endroit clos.

Les mesures d'enquête coercitives doivent être conciliées avec le principe d'inviolabilité du domicile. Néanmoins, la perquisition est possible sans l'assentiment de la personne dans le cadre d'une enquête de flagrance. L'assentiment est en revanche nécessaire dans l'enquête préliminaire (déclaration écrite de l'intéressé) ; cependant, le procureur de la République peut passer outre le consentement de la personne (lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, et que la perquisition est nécessaire).

Déroulement de la perquisition

La perquisition est effectuée par un Officier de Police Judiciaire dans la majorité des cas.

La personne perquisitionnée (ou un représentant de son choix, ou deux témoins choisis pas l'officier de police judiciaire) doit être présente dans le lieu au moment de la perquisition. La perquisition doit s’effectuer aux heures légales (entre 6 heures et 21 heures), excepté en matière de trafic de stupéfiant ou de terrorisme (les perquisitions de nuit sont alors autorisées).

Des mesures particulières sont mises en place lorsqu'il s'agit de perquisitionner un cabinet d’avocat ou de médecin (ex : les perquisitions peuvent être effectuées par un magistrat, en présence d'un représentant de la profession, etc.).

L'absence de respect des obligations relatives à la mise en oeuvre de la perquisition conduit à la nullité textuelle (pour une enquête de flagrance : art. 59 al. 2 du Code de procédure pénale) ou à la nullité substantielle pour une enquête préliminaire.

Garde à vue

La garde à vue est « une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire » (art. 62-2 du CPP).

Cette mesure a fait l'objet d'une évolution récente. La Cour européenne des droits de l'homme a affirmé le droit pour une personne placée en garde à vue d'être assistée par un avocat (arrêt Dayanan contre Turquie du 13 octobre 2009. Suite à cet arrêt, la Cour de cassation a rendu trois arrêt le 19 octobre 2010 par lesquelles elle affirmait que la décision QPC du 30 juillet 2010 faisait écran à l’application de la Convention européenne des droits de l’homme. Finalement, la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue instaure un nouveau régime.

Conditions et conséquences chez les majeurs

La garde à vue n’est possible qu’en matière criminelle ou correctionnelle (délit puni d’une peine d’emprisonnement) et doit être justifiée par certains motifs (art. 62-2 du CPP : elle doit permettre les investigations impliquant la personne, empêcher la modification des preuves par la personne, etc.). La personne placée en garde à vue ne peut plus être un simple témoin, des indices ayant du être trouvés qui la concernent.

Les officiers de police judiciaire peuvent seulement placer en garde à vue les personnes à l’encontre desquelles il existes une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Ils doivent en avertir le procureur de la République ; ce dernier peut lui-même demander le placement d'une personne en garde à vue. Il appartient également au procureur de décider du maintien de la personne en garde à vue : il doit juger de sa nécessité et de sa proportionnalité.

La durée de la garde à vue est de 24 heures maximum, durée susceptible d’être prolongée de 24 heures avec l’accord du procureur de la République (autorisation écrite et motivée du procureur de la République, qui s'est vu présenter la personne placée en garde à vue). Cependant, en matière de criminalité organisée, de terrorisme ou de trafic de stupéfiant, la durée peut être de quatre jours (deux prolongations autorisées de 24 heures).

La personne placée en garde à vue dispose de droits :

  • Respect de la dignité humaine (pas de violences policières, etc.)
  • Information de la personne sur ses droits dans une langue qu'elle comprend
  • Droit à un examen médical : le médecin est désigné par l'officier de police judiciaire ou le procureur de la République. Le certificat rendu par le médecin ne les lie pas mais peut conduire à une nullité s’ils décident de poursuivre la garde à vue contre l'avis médical
  • Droit d’être assisté par un avocat : la personne peut s’entretenir avec un avocat à sa demande. L’avocat est désigné par l’intéressé, par les personnes informées de sa garde à vue ou d’office par le bâtonnier. La personne peut ensuite être assistée au cours de ses auditions et des confrontations (loi du 14 avril 2011)
  • Possibilité pour la personne placée en garde à vue de faire prévenir par téléphone un proche
  • La personne peut ou non répondre aux questions de son interlocuteur.

La garde à vue peut faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel (loi du 5 mars 2007) et doit faire l’objet de différents écrits : procès-verbaux, énoncé des motifs de la garde à vue, etc. Ces mentions doivent être émargées par la personnes placée en garde à vue.

A la fin de la garde à vue, la personne peut être remise en liberté, ou déférée au parquet. Une instruction peut ensuite être ouverte, par le biais de la procédure de comparution immédiate.

Mineurs

Pour les mineurs, la garde à vue diffère résulte d'un régime issu de l’ordonnance du 2 février 1945.

  • Pour les mineurs de moins de treize ans : le mineur ne peut être placé en garde à vue, sauf exception ; la rétention est possible en cas d’indices graves ou concordants sur la commission d'un crime ou d'un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement, si la rétention est justifiée et si le mineur est âgé de 10 à 13 ans. Dans ce cas, la durée de rétention ne pourra excéder 12 heures (prolongation possible de 12 heures.
  • Pour les mineurs de plus de treize ans : le placement en garde à vue est possible sous le régime de droit commun. Néanmoins, la durée ne pourra pas être prolongée pour les délits punis de moins de 5 ans d'emprisonnement lorsque le mineur a de 13 à 16 ans.

Auditions

Toute personne peut être convoquée par l'officier de police judiciaire pour une audition, qu’elle soit suspecte ou témoin, afin d’apporter de nouveaux éléments à l’enquête. Sous serment, la personne interrogée doit apporter les renseignements dont elle a connaissance.

La personne convoquée a l'obligation de se présenter à la convocation sous peine de procès verbal. En effet, l’officier de police judiciaire pourra contraindre la personne par la force publique, sur autorisation du procureur de la République. Cependant, celle-ci n’est pas obligée de déposer (contrairement à l’audition lors d’une instruction). Si la personne n’est aucunement suspectée, elle ne sera retenue que le temps strictement nécessaire à l’audition (au maximum quatre heures).

L'audition, effectuée par l'officier de police judiciaire ou un agent de police judiciaire, donnera lieu à la rédaction d'un procès verbal. Le Conseil constitutionnel a admis l'audition libre (sans assistance d'un avocat) dans sa décision QPC du 18 novembre 2011.

Lorsqu'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, elle ne peut rester à la disposition des enquêteurs qu’en étant placée en garde à vue.

Contrôle d'identité

Cette mesure est prévue par l'article 78-2 du Code de procédure pénale. Elle est effectuée par un officier de police judiciaire ou par un agent placé sous sa direction. Elle peut être mise en place dans le cadre d’une mission judiciaire ou d’une mission administrative.

  • Dans le cadre d’un contrôle de police judiciaire (lors d'une enquête ou d'une instruction) : à l’égard d’une personne dont il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, qui se prépare à commettre un crime ou un délit, qui peut fournir des renseignements utiles, ou qui fait l’objet de recherches.
  • Dans le cadre d’un contrôle administratif (loi du 10 août 1993) : pour prévenir une atteinte à l’ordre public. Il faut néanmoins justifier de circonstances particulières motivant le contrôle ; de plus, il ne doit pas s'agir d'un contrôle généralisé et discrétionnaire (décision n° 93-323 DC du 5 août 1993).

La preuve peut être fournie par tout moyen : le port de la carte d’identité n’étant pas obligatoire, une carte officielle portant la photo de la personne suffit. Si la personne ne porte aucun papier sur elle, ou si elle refuse de justifier son identité, elle devra se soumettre à une vérification d’identité, qui entraîne une rétention policière. Une fois l’identité vérifiée, toute information relative à cette procédure devra être détruite.

Contrôles d'identité applicables aux étrangers

Le contrôle d’identité peut être régi par des textes particuliers : c’est notamment le cas des contrôles relatifs aux étrangers.

L’ordonnance que 2 novembre 1945 prévoit « qu’en dehors de tout contrôle d’identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sous l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaires adjoints ».

Dans ce cas, le contrôle doit s’effectuer sur la base d’éléments extérieurs d’extranéité (qui ne relèvent pas, par exemple, de la couleur de peau, mais plutôt de l’immatriculation d’un véhicule ou de la provenance de bagages), qui garantissent le respect des droits de la personne. Ainsi, la loi du 24 août 1993 prévoit que que le contrôle doit être effectué sur la base d’éléments objectifs, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juin 2012 par lequel elle a considéré contraire au droit communautaire la demande des agents de police judiciaire de demander de présenter un titre de séjour en dehors de tout contrôle d'identité et sans exiger d'éléments subjectifs. Ainsi, lorsque la personne étrangère ne peut présenter de titre de séjour, la loi du 31 décembre 2012 prévoit une retenue pour vérification de situation d'une durée maximale de 16 heures.

Aussi, des contrôles d’identité peuvent avoir lieu dans le cadre de polices spéciales, attachées au contrôle des frontières.

Autre mesures d'enquêtes

Dans les cas de recherche de personnes en fuite, l’article 87 de la loi du 9 mars 2004 introduit un type d’enquête susceptible d’être mis en œuvre seulement par le procureur de la République. Il permet de ne pas faire appel à l’enquête préliminaire ou à l'enquête de flagrance. L’enquête peut être menée lorsque la personne fait l’objet d’un mandat d’arrêt.

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