Contrôle de constitutionnalité

L’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois n’a pas été facile à mettre en œuvre. Le contrôle de l’autorité à l’origine des textes de lois semblait en effet impossible.

Mise en place du contrôle

Le contrôle de constitutionnalité apparait en Angleterre, au début du XVIIe siècle, lorsque le juge Coke évoque le contrôle de conformité des lois à la Common Law. Mais c’est aux Etats-Unis qu’il est exercé pour la première fois un contrôle de conformité de la loi à la Constitution par la Cour suprême, dans l’affaire Marbury vs Madison.

En Europe, c’est avec Hans Kelsen qu’on va admettre progressivement le contrôle de constitutionnalité des lois. Il préconise en effet un contrôle confié non pas à tous les juges, comme c’est le cas aux Etats-Unis (contrôle diffus), mais à un organe spécialisé dans ce contrôle (contrôle concentré). La première Cour constitutionnelle est ainsi crée en 1919 en Autriche.

Ce n’est qu’avec la IVe République que la France admet un contrôle de constitutionnalité des lois, exercé par le Comité constitutionnel ; les nombreuses carences ont entrainé la nécessité d’un contrôle plus important mis en place avec la Ve République avec la création du Conseil constitutionnel.

Organisation du contrôle

Le contrôle s’exerce sur les lois, mais également sur n’importe quel type d’actes (actes administratifs, conventions internationales…). Néanmoins, en France, le contrôle de conventionalité des lois est exercé par les juges administratifs et judiciaires, non par le juge constitutionnel. Aussi, en 1971, par sa décision Liberté d’association, le Conseil constitutionnel élargit son contrôle au Préambule de la Constitution, et non plus seulement à l’article 34, et donc aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et aux principes « particulièrement nécessaires à notre temps ». En France, le contrôle est obligatoire pour les lois organiques et les règlements des Assemblées, mais facultatif pour les lois ordinaires et les engagements internationaux.

Le contrôle s’exerce sur le fondement de la saisine de différentes autorités politiques : président de la République, Premier ministre, président du Sénat et président de l’Assemblée Nationale. Depuis 1974, la saisine a été élargie à 60 députés et 60 sénateurs, permettant ainsi à l’opposition de s’exprimer. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, la saisine est ouverte aux particuliers, qui néanmoins doivent passer outre des filtres (d’importantes conditions doivent être réunies pour que la question soit posée devant le juge constitutionnel).

S’agissant des juridictions compétentes, il varie selon les modèles. Le modèle américain organise un contrôle diffus, c'est-à-dire effectué par tous les juges ; n’importe quel juge peut exercer ce contrôle, et la Cour suprême n’a donc en la matière aucun monopole. Ce modèle est appliqué notamment aux Etats-Unis, au Japon ou encore en Suisse. Le modèle autrichien, préconisé par Kelsen, suppose quant à lui un contrôle concentré, fondé sur une juridiction spécialisée. Le juge ordinaire ne peut donc pas exercer un contrôle de constitutionnalité des lois. La France, qui a adopté ce modèle, a néanmoins limité la rigidité de ce contrôle par la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet aux juridictions ordinaires d’exercer un premier contrôle, avant même le Conseil constitutionnel, dans la mesure où celles-ci joue le rôle de filtre (il ne s’agit en revanche pas d’un véritable contrôle de constitutionnalité).

Le contrôle peut être exercé à priori ou à postériori. Le contrôle à priori s’exerce avant l’entrée en vigueur de la loi ; les délais courts mis en place pour ce contrôle afin de ne pas retarder la promulgation de la loi permettent un contrôle rapide. Ce contrôle garantit également la sécurité juridique, la loi n’ayant pas encore été appliquée lorsqu’elle est contrôlée. En revanche, toutes les lois n’ont pas nécessairement fait l’objet d’un contrôle (la saisine n’est pas obligatoire pour tous les actes), et l’application de la loi même contrôlée a pu révéler des inconstitutionnalités. Enfin, ce contrôle est plus politique car il fait intervenir les autorités qui tentent d’éviter une décision d’inconstitutionnalité. S’agissant du contrôle à postériori, il intervient après l’entrée en vigueur de la loi ; cela entraine une insécurité juridique car il peut engendrer l’abrogation d’une loi appliquée pendant des années. En France, le contrôle a longtemps été seulement exercé à priori ; après de nombreux débats (en 1990, 1993 puis 2008), la question prioritaire de constitutionnalité mise en œuvre par la révision constitutionnelle de 2008 a permis l’instauration d’un contrôle à postériori.

Le contrôle peut s’exercer par voie d’action ou par voie d’exception. Le contrôle par voie d’action est exercé hors du cadre d’un procès ; c’est un contrôle abstrait car il s’exerce en dehors de tout litige, il n’a pour but que de garantir le respect de la Constitution. Le contrôle par voie d’exception repose en revanche sur un litige concret ; c’est sur la base d’un litige qu’une question de constitutionnalité se pose. Le juge saisi du litige doit donc poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle. Le contrôle par voie d’exception est donc un contrôle subjectif, à la différence du contrôle par voie d’action, objectif car non fonction d’un litige concret.

Effets de la décision

La sanction de l’inconstitutionnalité de l’acte peut être le simple fait d’empêcher son entrée en vigueur (s’il s’agit d’un contrôle à priori), mais aussi l’annulation de la norme qui était en vigueur (dans le cadre d’un contrôle à postériori).

Dans certains cas, la norme peut tout simplement être écartée. C’est le cas dans le système américain. De même en France, lorsque les juges exercent un contrôle de conventionalité des lois, celles-ci sont écartées et non annulées.

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