Mise à jour : December 2012

Intangibilité de l'ouvrage public

L’ouvrage public mal planté ne se démoli pas ; l’adage a longtemps été appliqué, peu importe l’irrégularité de sa construction ou une quelconque voie de fait. Elle était rendue possible par le fait que le juge ne pouvait adresser d’injonction à l’administration, mais cette règle ne s’applique plus depuis la loi du 8 février 1995.

Aujourd'hui, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public tend à disparaître.

Historique

Par l’application de l'adage précité, on privilégiait l’intérêt public sur l'intérêt privé. En effet, l’administration pouvait ainsi notamment éviter les procédures d’expropriation et occuper des propriétés privées sans avoir à passer par les différentes procédures d’expropriation ; il s’agissait en réalité d’une expropriation indirecte. Ces pratiques ont finalement été remises en question par l’arrêt Baudon de Mony (1994, Cass. Ass. Plén.) dans lequel le juge rappelle les procédures d’expropriation à respecter, en sous-entendant l’irrégularité des expropriations indirectes.

L'abandon progressif du principe

L’intangibilité de l’ouvrage public a été remise en cause car le principe était considéré trop favorable à l'égard de l’administration, au détriment de l’intérêt particulier. Ainsi, la jurisprudence a progressivement mis fin à ce principe au travers plusieurs arrêts :

  • Epoux Denard, 19 avril 1991, CE

    En l’espèce, un maire avait refusé la destruction d’une buse, et donc la destruction d’un ouvrage public. Le juge ayant considéré qu’il n’existait pas d’erreur manifeste d’appréciation, l’ouvrage n’a pas été démoli. Cependant, l’arrêt a permis de franchir un pas vers la remise en cause de l’intangibilité des ouvrages publics puisque dans ce cas, le juge aurait pu décider d’une démolition en cas d’erreur manifeste d’appréciation.

  • M. et Mme Binet, 6 mai 2002, TC

    Cet arrêt a permis au juge judiciaire de décider d’une démolition lorsque l’ouvrage est établi par une voie de fait. Ainsi, le juge administratif est compétent en dehors d’une voie de fait.

  • Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes, 29 janvier 2003, CE

    Par cet arrêt, il est mis un terme au principe d’intangibilité de l’ouvrage. En l’espèce, un pylône avait été installé de manière irrégulière. Le juge a considéré que la démolition pouvait être engagée sous conditions : il faut tout d’abord vérifier si la destruction de l’ouvrage répond bien à un intérêt général, puis établir un bilan coûts avantages.

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