Politique budgétaire

Le politique budgétaire consiste à influencer la conjoncture économique par le biais du budget de l’Etat. Avant la crise de 1929, les finances publiques n'avaient que pour but d'assurer les activités régaliennes de l’Etat, ce qui limitait les possibilités de mise en œuvre d’une telle politique ; on pensait alors que le budget ne pouvais pas avoir une fonction régulatrice de l’activité économique. Ce n’est qu’avec la mise en application des théories keynésiennes que la relance économique a pu avoir lieu par l’augmentation des dépenses publiques. La mise en œuvre de cette politique a fonctionné un temps, avant d’être vivement remise en cause dans les années soixante, à un moment où elle révélait ses limites.

La politique budgétaire reste un levier nécessaire à l’action économique de l’Etat. Néanmoins, les Etats européens doivent respecter des règles particulières (par exemple, le pacte de stabilité et de croissance), qui peuvent nuire à l’autonomie des Etat dans la conduite d’une telle politique.

Fonctions de la politique budgétaire

R. Musgrave établit les trois grandes fonctions de la politique budgétaire :

  • L’allocation des ressources : les dépenses de l’Etat influencent la répartition des facteurs de production entre les différents secteurs économiques
  • La redistribution des revenus des agents économiques
  • La stabilisation de la conjoncture

La politique budgétaire a donc tout d’abord pour rôle la stabilisation de la conjoncture.

Stabilisation de la conjoncture

Alors qu’on considérait que l’intervention des pouvoirs publics au sein de l’activité économique était nuisible, le chômage de masse des années 1930 a modifié cette perception du rôle de l'Etat. C’est dans ce cadre que Keynes a démontré que l’augmentation des dépenses publiques pouvait avoir pour effet de relancer l’économie ; les dépenses publiques ont en effet pour objet de compenser l’insuffisance de demande, ce qui permet d'accroître les revenus des producteurs, et, in fine, de relancer l'économie.

Le multiplicateur budgétaire

La théorie keynésienne montre qu'il existe un effet multiplicateur des dépenses publiques pour justifier le recours à l’accroissement de la dépense publique. Cela aurait pour effet d'augmenter les revenus, les salaires versés aux travailleurs, les profits perçus par les entreprises ou encore les intérêts. Selon cette théorie, une part de ces revenus est consommée, le reste, épargné. Les entreprises vont ainsi pouvoir augmenter leurs investissements et augmenter le niveau d'embauche car la demande augmente. Ce processus cyclique va se produire tant que la propension à consommer sera élevée.

Si les dépenses augmentent, les revenus augmenteront en parallèle et le supplément de revenu permettra d'accroître la consommation. Ainsi, en période de sous emploi, augmenter les dépenses publiques va permettre de faire redémarrer ce cycle. Le supplément de revenu crée par l’Etat est supérieur aux dépenses qu’il a fait au départ : le coefficient d’accroissement constitue le multiplicateur budgétaire.

L’augmentation de la demande peut être concrétisée par l’augmentation des taux d'imposition, ou par le recours à l’emprunt. Mais dans le premier cas, l’effet multiplicateur ne sera qu’une impulsion initiale. Dans le second cas en revanche, l’emprunt sera à priori rapidement remboursé car la reprise de l’activité génèrera d’importantes rentrées d’argent ; mais pour y parvenir l’Etat doit donc s’endetter.

Ce type de mesures a été pris durant les Trente glorieuses, période pendant laquelle les tendances inflationnistes étaient fortes (la croissance provoquait l'emballement de l’économie) ; c’est ce qu’on a appelé la politique de « stop and go ».

Le multiplicateur fiscal

L’Etat peut décider de diminuer ses recettes fiscales pour relancer l’activité économique. Le multiplicateur fiscal exprime donc l’augmentation de revenu résultant de la diminution des prélèvements. Cette politique, menée par Reagan, a permis la relance de l’activité, en atteignant à un taux de croissance passant de 2,7 % en 1986 à 4,4 % en 1988.

Le multiplicateur fiscal et le multiplicateur budgétaire peuvent être combinés : l’Etat peut augmenter ses recettes et ses dépenses. Ainsi, l’accroissement du revenu national est égal à la hausse des dépenses publiques

Effets

La politique budgétaire est financée par l’emprunt, effectué par l’émission de bons et obligations du Trésor. La demande de bons étant importante, le prix de la monnaie augmente par le biais de l’accroissement des taux d’intérêts. Les entreprises vont alors limiter leurs investissements car les taux d’intérêts sont trop élevés ; cela conduira à diminuer l’impact de la relance.

Les évolutions automatiques de l’activité économique forment des cycles. Les recettes fiscales augmentent en période de croissance (grâce à la TVA), et diminuent en période de récession. L’Etat tente donc d’atténuer ces fluctuations en prélevant plus d’impôt en période de prospérité et en accordant des aides lors des périodes de ralentissement ; le budget a donc un rôle contra-cyclique sur l’activité économique.

L’augmentation des dépenses publiques peut également entrainer un effet d’éviction. En effet, l’accroissement de la demande par l’augmentation des dépenses publiques peut conduire à écarter les investisseurs privés, substitués à l’Etat. Aussi, l’émission de titre de dette publique concurrence les entreprises sur le marché des capitaux, ce qui conduit à augmenter les taux d’intérêt et à écarter les investisseurs. Ces effets d’éviction peuvent résulter de l'évolution des taux d’intérêt ou de l’inflation. Dans le premier cas, la hausse des taux d’intérêts va avoir pour effet de limiter les achats des consommateurs, qui recourent plutôt à l’emprunt (notamment pour les biens d’équipement durables) ; de même, les entreprises vont limiter leurs investissements, ce qui contribue à les évincer. Dans le second cas, et c’est ce que nous verrons plus bas, la relance budgétaire entraine l’inflation ; elle est donc vouée à l’échec.

Les investissements publics sont également à long terme bénéfiques pour la croissance nationale. Au-delà du modèle de croissance exogène de Solow, les théories de la croissance endogène montrent que des facteurs autres que le capital et le travail influent sur la croissance. La qualité de la main d’œuvre reposant sur l’éducation, ainsi sur les infrastructures, un grand nombre de facteurs contribuent à la croissance. Les dépenses publiques peuvent donc constituer, à long terme, un investissement intéressant pour l’Etat.

Application

La France a pendant longtemps usé de la politique budgétaire pour relancer l’économie. Mais le manque d’efficacité de ces politique a conduit les pouvoirs publics à se tourner vers la politique monétaire, qui est désormais transférée à la Banque centrale européenne. Les monétaristes ont en effet démontré les effets essentiellement inflationnistes de la politique de relance.

L’après choc pétrolier a obbligé les Etats à mettre en œuvre de mesure de relance conjoncturelle (contra-cyclique) ; mais la conjugaison de l’inflation et du chômage conduit à établir une politique de maitrise de l’inflation. Puis, la récession de 1993 entraine des mesures de relance de la consommation. Désormais, l’heure est à la limitation des dépenses publiques, afin de respecter les crtières de convergence établis par le traité de Maastricht que la France ne respècte plus.

Mais les effets généralement pro-cyclique de ces mesures discréditent la politique budgétaire, d’autant plus que les dépenses publiques se sont très largement accrues. La coordination économiques des pays de l’Union européenne doit permettre d’assurer une croissance à long terme, notamment grâce à au « policy mix » (conjugaison de la politique monétaire et de la politique budgétaire).

Critiques

Les monétaristes ont critiqué la politique keynésienne alors que celle-ci perdait de son efficacité. Ils s’appuient sur l’idée que les agents économiques établissent leur consommation en fonction de leur revenu permanent et non courant. Keynes considérait au contraire que les agents, victimes de l’illusion monétaire pendant un temps, ajustait leur consommation face à cet afflux d’argent qui leur revenait ; ils consommaient donc d’avantage. Mais les entreprises n’augmentant pas leur offre, cette dernière va rapidement s’avérer insuffisante, ce qui engendrera une hausse des prix. Les travailleurs demanderont alors une meilleure rémunération. Le processus inflationniste va retirer l’illusion monétaire du départ, et les consommateurs vont revoir leurs dépenses à la baisse. Ainsi, la relance n’aura pour seul effet que l’inflation. De même, les agents pensent qu’il y aurait une hausse prochaine des prélèvements obligatoires ; cela les incite à réduire leur consommation et à épargner d’avantage. L’application de la théorie entraine donc seulement une augmentation de l’inflation. En effet, la progression de la demande n’entraine pas soudainement celle de l’offre, qui n’est pas suffisamment élastique. Aussi, l’inflation risque d’entrainer la hausse des salaires et celle des couts, ce qui limite largement les effets de la relance.

Aussi, et d’un point de vue plus politique, les politiciens utiliseraient selon certains ces mesures dans l’idée de remporter les élections prochaines car il s’agit d’effets utiles à court terme seulement.

Mais ce sont également des considérations relatives à l’économie internationale qui entrainent des critiques. La demande supplémentaire générée par la politique de relance au sein d’un Etat a des effets sur les autres Etats, qui eux-mêmes en profitent. La demande se répercute en effet sur les importations, ce qui conduit à l’arrivée plus importante de capitaux étrangers, attirés par la hausse des taux d’intérêt. Cela va finalement s’avérer plus bénéfique pour les Etats étrangers que pour l’économie nationale.

L’utilisation du budget peut parfois conduire aux résultats inverses : les procédures lourdes de vote du budget entrainent un ralentissement de la réactivité face à la conjoncture économique. Les effets établis par les politiques de relance pourront se voir concrétisés bien plus tard, et même lorsque l’activité économique ne les nécessite plus. On arrive ainsi à un résultat pro-cyclique alors même que la politique budgétaire a pour objectif d’être contra-cyclique.

On peut également relever le problème de la permanence des mesures adoptées pour relancer l’activité économique. Les agents ont en effet pu accueillir favorablement ces mesures, qui pourtant doivent être retiré car il ne s’agit que d’une politique de « stop and go ».

En résumé, le théorème d’équivalence de Ricardo montre, d’un point de vue plus théorique, l’inefficacité du multiplicateur. En se fondant sur une vision à long terme des finances publiques, il montre que le multiplicateur peut être nul si les agents épargnent leur revenu supplémentaire (entrainé par l’accroissement des dépenses publiques). Aussi, si l’Etat s’est endetté, il devra nécessairement rembourser les emprunts qu’il a contractés ; il peut le faire grâce à l’impôt. Les impôts augmenteront donc nécessairement suite à la relance économique. Les agents anticipent selon Ricardo ce phénomène et épargnent par mesure de précaution ; ils ne vont donc pas consommer suffisamment. Cela entraine l’inefficacité de la relance car le multiplicateur est nul.

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