Notion de service public
La notion de service public constitue l'un des bases du droit administratif. Si l’on pense généralement qu’il s’agit de l’ensemble des activités de l’administration, la définition est quelque peu plus complexe.
Service public
Définition
On peut définir le service public dans un sens organique ou dans un sens matériel.
- Au sens organique, le service public est une organisation formée d’agents et de moyens matériels destinée à accomplir certaines dispositions, au sein d’une Administration (ex: le service de la santé).
- Au sens matériel du terme, le service public est un organisme à vocation générale ; si certains services publics poursuivent un objectif de rentabilité, ils doivent avant tout avoir pour objet d'effectuer une « mission de service public ». Le but premier est donc de satisfaire l’intérêt général. Le service public se justifie seulement par cet objectif, difficile à déterminer car variable dans le temps et dans l’espace (comme le rappelait le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 26 juin 1986).
Le Conseil d’Etat a définit plus précisément la notion de service public en 1963 ; il considère comme appartenant à cette catégorie les organismes répondant à certaines caractéristiques :
- Ils doivent avant tout satisfaire l’intérêt général, et donc ne pas recourir aux exigences de rentabilité ou rechercher le profit (à la différence des entreprises).
- Ils doivent être rattachés à une personne publique. Traditionnellement, l'activité d'intérêt général devait être sous contrôle d'une administration. Mais a été admise la gestion privée du service public dès lors qu'il existe un lien suffisant avec la personne publique (dans les faits, une simple dépendance suffit); dans ce cas, les règles propres à l'administration peuvent s'appliquer (attribution de prérogatives de puissance publique, obligations particulières).
- Enfin, ils doivent se soumettre à un régime juridique de droit public Cette troisième caractéristique complète les deux premières, et peut parfois aider à les dévoiler.
Le service public peut donc exister par l’intermédiaire d’une personne publique qui prend en charge les moyens nécessaires pour garantir la mission d’intérêt général ; mais l’intermédiaire peut également être un organisme privé.
L’arrêt Terrier du Conseil d’Etat de 1903 explicitait déjà la définition en considérant comme service public « tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services proprement dits, généraux ou locaux, soit que l’administration agisse par voie de contrat, soit qu’elle procède par voie d’autorité, constitue une opération administrative. »
L'appréciation par le juge pour identifier un service public est effectuée in concreto.
Identification du service public
Afin de déterminer les organismes ayant une mission de service public, le Conseil d’Etat prend en compte le fait qu’il soit géré par un organisme public, et surtout qu’il relève d’une mission d’intérêt général. Lorsque ces deux conditions sont réunies, il est facile d’identifier le service public. Mais il est des cas où seul le critère de l’intérêt général est satisfait : c'est le cas lorsque des organismes privés gèrent le service public ; seul le critère matériel est alors rempli.
On distingue donc deux cas :
- Cas des activités d’intérêt général assurés par des organismes
publics
Les missions traditionnelles de l’Etat n’ont fait l’objet d’aucune difficulté tenant à leur identification. Les secteurs relatifs à la santé publique ou à la justice n’ont donc eu aucun mal à être déterminés.
Il est pourtant des cas dans lequel la question a soulevé quelques problèmes ; si l’activité était bien assurée par une personne publique, la question était de savoir s’il s’agissait bien d’une activité d’intérêt général. On peut en ce sens citer l’arrêt Epoux Bertin, dans lequel le Conseil d’Etat a pu considérer que la mission de rapatriement de réfugiés étrangers se trouvant en France constituait un service public (CE, 1956).
- Cas des activités d’intérêt général assurés par des organismes
privés
Puisque le critère organique n’est pas satisfait, il faut trouver un particularisme à l’activité : il faut qu’elle se soumette à un régime juridique particulier. Cette solution a été consacrée par le Conseil d’Etat, par deux grands arrêts de 1942-1943. Une personne privée pouvait donc avoir une mission de service public.
Le premier arrêt est celui de 1942, Monpeurt : en l’espèce, une loi de 1940 créait une organisation provisoire nécessaire à une production industrielle. Le Conseil d’Etat a considéré que la loi avait accordé l’octroi de prérogatives de puissance publique, justifiant ainsi sa qualification de service public, et la compétence de la juridiction administrative.
Le second arrêt est l’arrêt Bouguen de 1943 dans lequel le Conseil d’Etat considère que la loi avait entendu faire d’une organisation privée (le Conseil supérieur de l’Ordre des médecins) un service public. Cette solution est donc applicable aux ordres professionnels dans leur ensemble.
Désormais, beaucoup d’organismes bénéficient du caractère de service public. Outre les services habituels (justice, enseignement, santé publique…), il existe les services publics financiers et économiques, et des services publics culturels (théâtre).
Les services publics particuliers
L'affaire du "bac d'Eloka", célèbre arrêt du Tribunal des conflits de 1921, créait le concept de service public industriel et commercial (SPIC).
La qualification d'un SPIC, et donc d'un établissement public industriel et commercial (EPIC), peut résulter d'une décision de l'administration. Le juge peut néanmoins décider d'une requalification. Ainsi, le juge avait-il pu requalifier le un EPIC, l'établissement ayant été reconnu comme de caractère administratif (TC, 1961, FORMA).
Pour identifier la nature du service, il faut se fonder sur un faisceau d'indices : objet du service (finalité du service), origine des ressources (provenance du financement du service), fonctionnement du service (appréciation du caractère administratif ou non du service).
Pour déterminer l'objet du service, il est possible de le comparer à des établissements publics ou privés : si le service a une activité comparable à celle d'organismes privés, il existe une présomption du caractère industriel et commercial du service. a l'inverse, si l'activité diffère totalement d'une activité de nature privée, la présomption du caractère public s'applique.
Certains organismes gèrent à la fois des missions administratives et des missions industrielles et commerciales ; ainsi notamment des services "à double visage". Dans ce cas, le juge opte pour une qualification fonctionnelle.