Principes comptables
La réglementation de la comptabilité publique est issue de textes divers (loi, règlements, jurisprudence, doctrine). Elle détermine le principe essentiel de la séparation entre ordonnateurs et comptables, corrélative du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.
Le principe de séparation ordonnateurs / comptables
Ce principe a été édicté dans une ordonnance prise à la Restauration ; le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique consacre le principe. Ainsi, depuis le 19e siècle, les ordonnateurs et les comptables ont donc des fonctions incompatibles, et donc séparées lors de la phase d’exécution administrative comptable. Cette séparation permet de mieux contrôler la régularité des recettes et des dépenses.
La séparation de ces fonctions permet en effet au comptable de vérifier la régularité formelle de l’exécution des recettes et des dépenses décidées par l’ordonnateur ; les ordonnateurs surveillent également les comptables. Mais au-delà des contrôles, cette séparation des fonctions permet d'assurer une exécution efficace du travail comptable.
Les tâches des deux acteurs
Les ordonnateurs
Les ordonnateurs ont le pouvoir de décision en matière financière. Il existe des ordonnateurs principaux et des ordonnateurs secondaires.
Les ordonnateurs principaux ont pour rôle de percevoir les recettes et de décider des dépenses, autorisées par la loi de finance ; les décisions suivent les principes de légalité et d’opportunité. Ils ont pour mission de délivrer les mandats de paiement et d’établir les titres de recettes. Il s’agit, au niveau de l’Etat, du Premier ministre, et des ministres et directeurs des services dotés d’un budget annexe. Mais ce sont aussi les directeurs d’établissements publics, du président du Conseil Constitutionnel, des maires, des présidents du conseil général ou régional, etc.
Les ordonnateurs secondaires disposent d’une délégation partielle de pouvoir, issue de l’ordonnateur principal. Ils sont nommés par arrêté. Il s’agit du préfet, qui exerce cette fonction au niveau local. Des ordonnateurs délégués et suppléants sont désignés pour effectuer ces tâches lorsque les ordonnateurs secondaires ne sont pas disponibles.
Les ordonnateurs « prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses […] ils constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les dépenses » (décret de 1962). Ils émettent des ordres de recettes destinées à recouvrer les créances de l’Etat. Ils émettent également des ordres de dépenses aux comptables publics et tiennent des comptes administratifs qui retracent les ordonnancements.
Les ordonnateurs doivent obligatoirement assurer la perception des recettes. En revanche, ils décident de l’opportunité des dépenses en fonction des besoins de service public. Les ressources sont donc librement utilisées.
Les ordonnateurs peuvent voir leur responsabilité engagée (ce qui en pratique n’arrive jamais) : responsabilité civile, pénale ou politique. Néanmoins, les ordonnateurs principaux bénéficient d’une irresponsabilité politique (car le ministre n’est souvent plus en poste lorsque l'affaire éclate) et les sommes engagées ne permettent pas d’engager la responsabilité civile. De fait donc, les ordonnateurs principaux bénéficient d’une irresponsabilité large. En revanche, les ordonnateurs secondaires peuvent voir engager leur responsabilité disciplinaire (la Cour de discipline budgétaire et financière sera alors compétente) ; mais cette responsabilité n'est jamais engagée car elle risquerait de limiter la liberté d’initiative de l’ordonnateur, qui aurait peur de se voir sanctionner.
Les comptables
Le comptable doit encaisser les recettes et payer les dépenses : c'est celui qui manie les deniers publics.
Les comptables ne sont pas ne prennent aucune décision d’opportunité, seule la régularité formelle de la décision de l’ordonnateur est contrôlée. Ils reçoivent donc les ordres, et les exécutent. S’ils constatent une irrégularité, ils peuvent refuser d’y déférer ou engager leur responsabilité.
Les comptables ont pour mission de recouvrer les ordres de recettes remis par les ordonnateurs, de payer les dépenses, de gérer leur comptabilité, et de conserver les pièces justificatives des opérations et documents.
Ils relèvent hiérarchiquement du ministre des Finances. Ce sont des fonctionnaires du ministère des Finances (ils sont nommés par le ministre des Finances).
Il existe des comptables publics principaux (qui « rendent directement des comptes au Juge des comptes ») et des comptables secondaires (dont les comptes sont examinés par les comptables principaux) ; leur distinction est fonction du type de contrôle exercé sur les comptes.
Certains comptables sont des comptables directs du Trésor, qui s'occupent des opérations financières dont l’Etat est chargé. Au niveau central, il s’agit notamment de l’agent comptable central, et au niveau déconcentré, du trésorier-payeur général (département). Les autres types de comptables ont des compétences d’attribution (spéciale), qui comprennent notamment les comptables spéciaux (affectés à des opérations particulières) et les comptables de budgets annexes. Enfin, il faut noter qu'il existe un contrôle hiérarchique entre les comptables supérieurs et les subordonnés.
Les comptables publics sont « personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils sont chargés ». Ils doivent donc fournir dès le départ des garanties (caution privée par exemple, ou assurances de responsabilité), et prêter serment (sous peine d'amende).Leur responsabilité peut en effet être engagée dès lors qu’un déficit ou un manquement (en denier ou en valeur) a été constaté, ou lorsqu'une recette n’a pas été recouvrée. La responsabilité est automatiquement engagée dans de tels cas ; on parle de responsabilité objective du comptable.
Des fonctions complémentaires
Il y existe un contrôle réciproque entre les deux fonctions.
Le contrôle de juridiction diffère selon la fonction : les ordonnateurs relèvent de la Cour de discipline budgétaire et financière, les comptables, de la Cour des comptes.
En cas de méconnaissance du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, le comptable peut voir sa responsabilité personnelle et pécuniaire engagée ; une mise en débet est prise par arrêté ou par un arrêt de la Cour des comptes. Cette procédure est mise en oeuvre lorsqu’une recette n’a pas été recouvrée ou quand qu’une dépense a été irrégulièrement payée. Les ordonnateurs s'exposent également à des sanctions (amende) s’ils manient les deniers publics alors que cela ne fait pas parti de leur fonction : ils sont alors qualifiés de « comptables de fait ». L'ordonnateur s'engage alors dans une procédure devant la Cour des comptes, qui le punit comme s'il était comptable (il est puni en fonction des obligations comptables).
Les exceptions
Tout d’abord, certaines dépenses peuvent être payées sans ordonnancement préalable (l’ordonnateur n’a alors aucun rôle) ; c'est par exemple le cas des rémunérations des fonctionnaires. Dans d’autres cas, l’ordonnancement peut avoir lieu à postériori.
Aussi, les fonds spéciaux sont directement répartis par le Premier ministre, ordonnateur principal, entre les ministres, sans contrôle comptable.
Enfin dans certains cas, les comptables cumulent les deux fonctions (dans les établissements publics).
Le principe de l’unité de caisse
Tous les fonds publics doivent être gérés par le Trésor : c’est le principe de l’unité de caisse.
En vertu de ce principe, l’ensemble des ressources financières de l’Etat (sa trésorerie) est déposé sur un seul compte courant au siège de la Banque de France ; c’est le compte du Trésor public.
Les collectivités locales ont une obligation de compte unique au Trésor. Cette obligation résulte de l’ordonnance organique de 1959 et pas le décret de 1962.