Division du pouvoir
L’existence d’une séparation entre les pouvoirs exécutifs, législatifs, et judiciaires est nécessaire dans un Etat de droit et une démocratie. Pour limiter le pouvoir, il faut qu’il se heurte à un autre pouvoir, non qu’il soit concentré dans les mêmes mains. Le citoyen est ainsi libre car il ne subit pas l’arbitraire, les pouvoirs étant partagés par ceux qui le gouverne.
Sans séparation des pouvoirs, on considère qu’il n’y a pas de constitution du monde occidental : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » (art. 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).
Aux origines du principe
Le principe de séparation des pouvoirs constitue le véritable fondement du pouvoir moderne.
Lors des révolutions du 18e siècle en France et en Amérique du nord, les contestations sont en effet principalement dirigées contre l’arbitraire du pouvoir royal : on cherche alors à éviter que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mêmes mains car la concentration du pouvoir est considérée comme l’origine de l’arbitraire.
Mais avant cela, l’Angleterre a connu une révolution qui a conduit à une transformation du mode de gouvernance. L’individu était désormais protégé de l’arbitraire par l’Habeas Corpus de 1679, et le Parlement britannique imposait au roi de partager le pouvoir avec lui.
C’est ainsi qu’en 1729, au cours d’un voyage outre-manche, Montesquieu se penche sur la question des limites à fixer pour contraindre le pouvoir. Il y constate en effet que le Roi s’appuie sur la bourgeoisie pour lutter contre l’aristocratie, seule à pouvoir le freiner. Il comprend alors qu’il est nécessaire de trouver des moyens modérés pour limiter le pouvoir afin de garantir la liberté, et ainsi mettre un terme à l’abus de pouvoir. Montesquieu livrera sa théorie au sein de L’Esprit des Lois, de 1748. Dans son ouvrage, il s’appuie sur la distinction entre trois types de pouvoir établie par Aristote : le pouvoir de faire les lois (législatif), celui de les faire appliquer (exécutif) et enfin celui de les faire respecter (judiciaire). Chacun de ces pouvoirs revient à une entité particulière ; ainsi, le juge dispose du pouvoir judiciaire, le législateur édicte les lois, et l’exécutif exécute les lois.
Le principe de séparation des pouvoirs repose sur le fait que les trois fonctions ne sont pas exercées par le même organe, mais doivent néanmoins agir de concert.
Pour Montesquieu pourtant, ces fonctions ne se valent pas : la fonction législative occupe une place prépondérante car elle ne peut se soumettre à l’exécutif, sans quoi les abus de pouvoir ne pourraient être limités. Malgré tout, le pouvoir de la fonction législative doit lui-même être divisé. Le Parlement est ainsi constitué de deux chambres. De plus, le Roi peut empêcher une loi en exerçant son droit de véto. C’est ce que l’on appelle la balance des pouvoirs (une même fonction est appliquée par différents organes).
L’application du principe
Le principe a diversement été appliqué dans les régimes occidentaux.
Une application stricte : l’Amérique du Nord
Ainsi par exemple, en Amérique du Nord, l’application stricte du principe résulte du combat mené contre l’arbitraire royal pour tendre vers la liberté de commerce. On imagine alors que le pouvoir serait partagé, selon les principes définis par Montesquieu, et Locke avant lui. Seront donc séparés le pouvoir de faire les lois (législatif), de les mettre en œuvre (pouvoir exécutif), de les appliquer (pouvoir judiciaire). C’est ce qu’établit la Constitution des Etats-Unis, et qui a permis au libéralisme politique de s’y épanouir.
Aujourd’hui, la Constitution a maintenu le principe, strictement appliqué. Cette séparation « stricte » ou « rigide » des pouvoirs est une particularité du régime américain. Elle implique une collaboration minimale entre les pouvoirs ; chaque pouvoir est indépendant de l’autre, et aucun ne peut faire pression sur l’autre. Cette séparation rigide des pouvoirs est ce que l’on appelle un régime présidentiel.
Il existe néanmoins des exceptions : le président peut user d’un droit de véto temporaire, et le Congrès peut mettre en accusation le président s’il a commis une faute grave (procédure de l’impeachment).
La stricte séparation des pouvoirs a pu donner lieu à des difficultés ponctuelles, à l’image du « Shutdown » américain de 2013. L’exécutif et le législatif étaient alors paralysés du fait des divergences partisanes, rendant impossible le vote du budget.
Pour fonctionner, les pouvoirs doivent donc fonctionner ensemble et faire des compromis.
Une application souple : la conception européenne
En France, le principe de séparation des pouvoirs apparait dans la vie politique en 1791. La monarchie constitutionnelle divise ainsi le pouvoir entre trois organes : l’Assemblée dispose du pouvoir législatif, le Roi, qui détenait un droit de véto sur les lois, du pouvoir exécutif et les juges élus du pouvoir judiciaire. On applique alors strictement le principe, comme ce sera le cas en France à trois reprises (en 1791, 1795 et 1848). Mais cela est un échec, aucun compromis entre les pouvoirs n’étant possible.
On s’orientera alors vers une séparation souple, qui ouvre la voie à une collaboration entre les pouvoirs et à une stabilisation du système. Ainsi, le gouvernement devient responsable devant le Parlement, mais peut dissoudre l’Assemblée. De plus, l’initiative des lois sera partagée entre le pouvoir exécutif (gouvernement) et le pouvoir législatif (Parlement). On se trouve alors dans un régime parlementaire.
Séparation verticale des pouvoirs
La séparation des pouvoirs repose également sur l’existence de collectivités intermédiaires entre l’Etat et les individus. La liberté des individus est en effet garantie par l’existence de collectivités locales, qui empêchent l’Etat d’abuser de leur pouvoir face à des individus qui sans cela seraient isolés. Les collectivités locales, plus proches de la population, sont plus adaptées pour établir les normes au niveau local. Il existe donc une séparation verticale des pouvoirs.
Les Etats qui disposent de cette division verticale du pouvoir donnent aux collectivités la personnalité morale de droit public, les autorisant à adopter des normes à leur échelle. Ces collectivités disposent d’organes propres (généralement élus), d’une assemblée délibérative (conseil municipal) ; cela permet de garantir leur autonomie par rapport au pouvoir central.
Cependant, elles tiennent leur pouvoir de l’Etat et ne peuvent en ce sens adopter de normes que dans le cadre des compétences que celui-ci leur a attribué. Aussi, elles sont contrôlées par l’Etat (anciennement, contrôle de tutelle).
Les collectivités locales peuvent lier des relations extérieures (coopération transfrontalière), bien qu’elles ne soient pas souveraines.
Séparation des pouvoirs au niveau supra-étatique
Au niveau supra étatique, la division des pouvoirs s’exerce également. Certaines autorités sont en effet situées au-dessus de l’Etat. Certaines règles établies par l’Union européenne ne peuvent ainsi être violées par le droit français. Malgré cela, les Etats sont souverains au sein de l’UE.
Dans certains cas, l’Etat peut ne pas disposer de séparation verticale du pouvoir : c’est le cas de l’Etat unitaire centralisé, dans lequel seul l’Etat est habilité à adopter les normes du pays.
Le problème de la souveraineté se pose dans le cadre d’un Etat fédéral. En effet, il existe d’une part la souveraineté de l’Etat fédéral, d’autre part celle des Etats fédérés ; mais sur le plan juridique, seul l’Etat fédéral est souverain en ce sens qu’il est sujet de droit international.