Conditions de la possession
La possession diffère du droit de propriété en ce qu'elle entraîne seulement la détention de la chose : pouvoir matériel dessus, possibilité d’en jouir. Le possesseur se comporte comme s’il était propriétaire de la chose. Cependant, la preuve de la propriété n'étant pas toujours aisée à apporter, il est plus facile de protéger la possession dont la preuve est facile. Il suffit en effet de démontrer que l'on se comporte en maître sur la chose. Ainsi, celui qui agit de cette façon sur la chose étant le propriétaire, en protégeant la possession, on protège le propriétaire. Et dans le cas où le possesseur n'est pas le propriétaire, le possesseur peut être protégé même contre le propriétaire dans un soucis d'ordre public, afin d'éviter tout règlement privé.
Le possesseur est en effet celui qui exerce un pouvoir de fait sur la chose (utiliser la chose). Dans certains cas, la simple possession entraîne des conséquences juridiques : présomption de propriété de la chose, acquisition de la chose par prescription.
Conditions de la possession
Conditions générales :
Deux éléments sont constitutifs de la possession selon la doctrine française : élément matériel (corpus) et élément intellectuel (animus).
- Corpus : élément matériel de la possession
Selon l’article 2228, il s’agit de la « détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit ». Il s’agit donc pour le possesseur d’avoir une mainmise sur la chose, c'est-à-dire une maîtrise physique de celle-c (actes d'usage, actes d'occupation, actes d'exploitation...). Il n’y a pas nécessairement de contact physique entre le possesseur et la chose, mais il doit néanmoins exister un lien entre les deux. On peut prendre l’exemple de l’habitation d’un appartement, ou d'une location ; dans ce cas, le locataire n'est pas un possesseur, il n'exerce pas le corpus pour lui-même mais pour le bailleur.
On ne peut donc pas considérer comme corpus un simple acte juridique, puisque celui-ci peut être effectué par une toute autre personne que le possesseur. Cependant, la possession peut se concrétiser par le simple fait de percevoir les fruits de sa possession.
Il ne peut y avoir possession sans corpus. Ainsi, la disparition du corpus fait disparaître la possession. Cependant, la jurisprudence admet par exception que la possession se conserve par la seule volonté, et donc sans corpus : la chose, qui ne peut être qu'un immeuble, se conserve par le seul animus.
- Animus : élément intentionnel de la possession
Il s’agit de la volonté de détention de la chose, de s’affirmer comme propriétaire. C’est dont l’élément psychologique de la possession. Il faut en effet nécessairement que le possesseur ait une réelle intention de possession de la chose pour que l’élément matériel soit rempli.
Sans cet élément intellectuel, on considère qu’il s’agit d’une simple détention. C’est pour cela qu’un aliéné ne peut être possesseur d’une chose puisque seule condition matérielle (corpus) est remplie. Ainsi, celui qui détient une chose sans se comporter en propriétaire n'est pas possesseur de la chose ; il s'agit d'un détenteur précaire (cas du locataire, de l'emprunteur, etc.).
Si cet élément est indispensable à la qualification de possession, sa preuve est difficile à déterminer. Pour faciliter les choses, la loi a instauré une présomption de possession (art. 2256 c. civ.) : la personne qui exerce le corpus est présumé être possesseur. Mais il s'agit d'une présomption simple, et ceux qui s'opposent à la possession devront donc en apporter la preuve. Aussi, cette présomption ne permet que d’apporter la preuve du corpus, non la preuve de l’intention.
L'animus s'aprécie in abstracto, et donc en référence à un modèle abstrait.
Conditions particulières :
L’article 2229 dispose que « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ».
En cas de détention précaire, il n’y a pas de possession. Le détenteur n’a alors pas de réel droit sur la chose ; il n’y a alors pas d’animus possidendi. C’est notamment le cas des mandataires et emprunteurs.
Conditions d'efficacité
Pour être utile, la possession ne doit pas être viciée. La bonne foi, même non nécessaire, produit en effet davantage d'effets qu'une possession de mauvaise foi.
Absence de vice
Pour bénéficier des effets de la possession, celle-ci doit être continue et ininterrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (art. 2261 c. civ..).
- La continuité implique que le possesseur agisse comme le titulaire du droit réel. La fréquence des actes effectués sur les biens est appréciée en fonction de leur nature. En cas de rupture anormale dans l'exercice du corpus, on considère qu'il y a vice de discontinuité. Cependant, si la possession redevient à nouveau continue, elle peut produire ses effets normaux.
- Le caractère paisible évoque l'entrée en possession, qui ne doit pas avoir eu lieu par violence.
- Le caractère public implique que la possession soit connue de tous ; le possesseur ne doit pas cacher ses actes à ceux qui auraient intérêt à connaître la possession, et qui pourraient alors en revendiquer la chose (vice de clandestinité). Lorsqu'il y a un vice, celui-ci n'est que temporaire et la possession peut à nouveau devenir utile si elle redevient publique.
- Le caractère non équivoque suppose que les actes de possession ne font aucun doute sur l'animus du possesseur. Il y a vice d'équivoque lorsque les actes peuvent avoir plusieurs explications.
Bonne foi du possesseur
Le possesseur est de bonne foi lorsqu'il croit être propriétaire de la chose (existence d'un titre). Cette bonne foi est présumée (art. 2274 c. civ.) et il s'agit d'une présomption simple, renversable en fournissant la preuve contraire. La possession de bonne foi entraîne des effets importants : acquisition des fruits, prescription acquisitive.