Limites au droit de propriété
La propriété est un droit fondamental ; elle garantit l’autonomie et la liberté de la personne en lui offrant un droit sur la chose. Néanmoins, ce droit trouve ses limites dans l'exercice excessif du droit de propriété.
Limites au caractère absolu de la propriété
L'abus de propriété
Le droit de propriété peut parfois faire l’objet d’abus que la théorie de l'abus de propriété doit permettre de limiter. Pour comprendre ce qu'est l'abus de propriété, on se réfère souvent à l’affaire Clément-Bayard de 1915 qui est une intéressante illustration de l'abus de droit. En l’espèce, un homme avait acheté un terrain encerclé par une zone destinée à l'usage de dirigeables ; l'homme, pour se venger de ses voisins avait érigé dans son propre terrain des pics très haut juste devant la piste des dirigeables. Si cet homme avait effectivement le droit d'ériger ce qu’il voulait sur sa propriété, il y avait en l’espèce une intention de nuire, et donc un abus du droit de propriété.
Pour déterminer l’existence d’un abus de propriété, plusieurs éléments doivent être pris en compte :
- on peut considérer l’acte dans l’exercice de son droit : dans ce cas, on peut recherche s’il y a eu ou non intention de nuire
- on peut également considérer l’acte en dehors de l’exercice de son droit : dans ce cas, dès lors qu’il y a un détournement du but de départ, on considère qu’il y a un abus de droit ; l’usage contraire à la fonction est donc pris en compte.
On peut donc constater que l’intention de nuire peut ou non être prise en compte en fonction des cas. De la même manière, on peut constater l'existence ou non d'un détournement.
La sanction de l'abus de droit repose sur la recherche préalable de l'abus, du dommage subi par le voisin et du lien de causalité qui uni les deux requérants. Elle entraîne une réparation en nature ou en argent. Ainsi, les constructions qui ont empiété sur le territoire du voisin doivent être démolies : lorsque cela n'est pas possible, des dommages-intérêts sont alloués au demandeur.
Théorie des troubles anormaux du voisinage
Le fait d’user de son droit de propriété peut entrainer des troubles au sein du voisinage (bruits…). Pour les éviter, il est nécessaire de délimiter les droits respectifs de chacune des parties. Cette délimitation des droits de chacun est d'autant plus difficile que les particuliers ont de plus en plus de droits et que les nuisances se sont accrues. Ainsi, la responsabilité pour trouble anormal a depuis longtemps été admise, tout d'abord dans le cadre de l'abus de droit, puis séparément, (bien que la frontière reste mince).
La responsabilité pour trouble anormal du voisinage, en raison de la proximité entre les habitations et donc de la tendance évidente à l'apparition de troubles excessifs, ne repose pas sur l'existence d'une faute. En effet, la personne peut agir dans son droit, et ne pas commettre de faute ; pour autant, l'exercice de ce droit peut avoir pour effet de troubler la jouissance de ses voisins. Par conséquent, la responsabilité est fondée non sur la faute, mais sur le dommage anormal : c'est une responsabilité sans faute.
Ainsi, alors même qu'un voisin exerce simplement son droit, le caractère important, inhabituel et répétitif du trouble qu'il aura créé par l'exercice de ce droit peut conduire à engager sa responsabilité. Ce voisin n'a donc pas nécessairement commis une faute (l’acte est légal) ; c’est l’anormalité de l’acte qui est prise en compte. Il convient par conséquent se s’attacher à déterminer si le comportement est excessif, et donc s'il excède ou non les inconvénients habituels et normaux du voisinage.
Chaque trouble est apprécié en fonction des circonstances de temps (nuit, jour de la semaine, etc.) et de lieu (situation en zone urbaine, etc.). L'importance du trouble diffère selon la situation de la victime ; les troubles psychologiques, la santé, ou encore l'activité de la victime sont notamment pris en considération pour évaluer l'importance du trouble et son caractère excessif.
La sanction des troubles anormaux du voisinage consiste généralement dans l'attribution de dommages-intérêts, et dans l'obligation de réaliser les travaux nécessaires à la limitation des nuisances. Dans certains cas, la démolition de la cause du dommage peut être ordonnée. S'agissant du problèmes des antennes-relais des téléphonie mobile, la cour d'appel de Versailles a ainsi, en 2009, ordonné leur démantèlement en se fondant sur le principe de précaution et sur la théorie des troubles anormaux du voisinage. Dans des décisions ultérieures, on constate que la jurisprudence érige le principe de précaution en limite au droit de propriété (ex: Cass. civ. 3e, 3 mars 2010).
Certains faits justificatifs jouent en matière de troubles anormaux du voisinage. Ainsi de l'antériorité du trouble ou la pré-occupation ; la personne aurait en effet accepté le risque de trouble en s'installant près de la cause du trouble. Selon l'article L 112-16 du Code de la construction, trois conditions doivent être vérifiées : antériorité de l'activité génératrice de troubles, activité respectant les règles légales, absence de modification des conditions de l'exploitation. Dans ces cas, celui qui s'installe près d'une telle activité ne peut demander réparation.
Limites au caractère exclusif du droit de propriété
Le développement de la propriété collective et l'acquisition importante de nouveaux terrains ont conduit à limiter l'exclusivité du droit de propriété. Ainsi par exemple, le propriétaire ne peut s'opposer au passage de chasseurs sur certains terrains. Aussi, certains contrats offrent des droits réels sur la même chose à différentes personnes (usufruit, nu-propriété).