Responsabilité pour faute de service
L’administration agit par ses organes et son personnel car elle ne peut agir elle-même en tant que personne morale, entité abstraite. Elle agit donc par l’intermédiaire de ses agents. Lorsque des agents, qu’il est possible ou non d'identifier, commettent une faute, leur responsabilité pour faute de service peut être engagée.
Responsabilité pour faute
Après avoir défini la notion, il conviendra de comprendre, outre les caractéristiques du préjudice, les différents degrés de la faute requis.
Notion de faute de service
Selon Planiol, la faute est un manquement à une obligation préexistante. On peut donc considérer que la faute de service est un manquement aux obligations du service ; il y a donc eu une défaillance dans son fonctionnement normal.
La faute de service est commise par les agents de l’administration dans le cadre de leur exercice. Ils ne sont donc n’est pas personnellement responsables des fautes qu’ils ont commises dans l’exercice de leur activité. La faute est alors imputable au service et non à l’agent (à l’inverse de la faute personnelle), selon la distinction établie par l’arrêt Pelletier. Les agents sont donc protégés, bien qu'ils puissent être sujet à des sanctions administratives.
Dans le cas d’une responsabilité pour faute de service, seule la responsabilité de l’administration peut être engagée. La responsabilité de l’administration est ainsi seule mise en cause, même si l’agent à l’origine du dommage a bien été identifié (TC, 1973, Pelletier). Mais si la victime a exercé son action contre l’agent lui-même, l’administration doit élever le litige devant le tribunal des conflits, qui décidera de l’incompétence de la juridiction judiciaire et renverra le litige devant les tribunaux administratifs, qui statueront.
Il revient au juge de déterminer la pertinence de l'invocation de la faute. Il apprécie la faute de service in concreto, c'est-à-dire sans référence à une norme de base. C’est donc en fonction de chaque espèce et de ses circonstances que le juge détermine s’il y existe ou non une faute.
La faute peut consister en un acte juridique, matériel, en une abstention, une omission (CE, 1988, Ministre de l’éducation nationale c/Giraud : l’Etat n’a pas assuré l’enseignement de matières obligatoires en raison d’un défaut d’enseignants), un fait positif, etc.
Aussi, il faut rappeler que la faute doit être établie dans le cadre du service, et qu'elle peut constituer un acte positif ou non, volontaire ou non.
Degré de la faute
La faute peut être simple, ou lourde. On exige seulement une faute simple pour engager la responsabilité de l’administration. Mais dans certains cas, une faute lourde est requise, même si la principe reste celui de la faute simple.
Certaines activités de l’administration étant plus difficiles que d’autres, la faute lourde est requise dans des cas particuliers pour que l’administration soit responsable. Néanmoins, le domaine d'application de la faute lourde n'a cessé de diminuer, et aujourd'hui, nombreux sont les cas dans lesquels la faute simple suffit ; le juge tient compte de la marge d’erreur accordée à l’administration afin d'éviter un désengagement de sa part.
Faute lourde
Dans certains cas, la faute lourde est toujours requise ; il s’agit des cas dans lesquels les difficiles conditions de travail rendent nécessaire cette exigence afin que tous les actes ne fassent pas l’objet d’une mise en cause de la responsabilité de l’administration. C’est le cas dans :
- Les services de police : auparavant considérés irresponsables, ces services ont connu une importante évolution depuis l’arrêt Tomaso Grecco de 1905. Mais ne sont prises en compte que les opérations particulièrement difficiles (opérations sur le terrain), et non pas les mesures basiques (activités juridiques de police telles que la règlementation) effectuées par les agents. Cependant, le juge prend en compte les circonstances et peut décider de la nécessité d’une faute lourde, même pour une opération juridique (et inversement, décider qu'une faute simple suffit pour des actes difficiles).
- Le fonctionnement du service public de la justice : les dommages causés par la juridiction administrative peuvent engager la responsabilité administrative (dans de rares cas). L’exigence de la faute lourde est néanmoins limitée à « l’exercice de la fonction juridictionnelle » (CE, 1978, Darmont). Le Conseil d’Etat a ainsi reconnu responsable le service public de la justice administrative dans le cadre du non respect d’un délai raisonnable (CE, 2002, Magiera) ; cela a entrainé l’obligation de respect d’un délai raisonnable pour juger. En revanche, l’autorité de la chose jugée entraine l’impossibilité d’engagement de la responsabilité dès lors que le dommage résulte du contenu d’une décision juridictionnelle définitive.
- En matière de contrôle : l’Etat exerce un contrôle sur les collectivités locales et sur certains organismes de droit privé ; c’est dans ce cadre qu’une faute lourde est exigée pour engager la responsabilité de l’administration. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger que les négligences graves relatives au contrôle de tutelle qui avaient été commises constituaient une faute lourde engageant la responsabilité de l’Etat (CE Ass., Caisse départementale d’assurances sociales de Meurthe et Moselle).Néanmoins, lorsque certaines mesures prises pour répondre à un impératif d'intérêt général ont occasionné un préjudice anormal et spécial, la responsabilité de la puissance publique peut être engagée (alors même qu'il n'existe aucune faute).
Faute simple
Les cas dans lesquels une faute simple est requise sont nombreux, et ne peuvent être énumérés de façon exhaustive. Néanmoins, on peut citer les cas dans lesquels la faute simple a remplacé la faute lourde :
- L’activité des services pénitentiaires : le Conseil d’Etat avait soumis la responsabilité à l’exigence d’une faute lourde, « d’une faute manifeste et d’une particulière gravité » (CE Sect., 1958, Rakotoarinovy) ; elle jouait, peu importe que le dommage ait été causé à un tiers ou à un détenu. Mais un revirement de jurisprudence (CE, 2003, Chabba) a retiré cette exigence, qui désormais repose sur une faute simple.
- Les services fiscaux : lorsque l’activité ne pose pas de difficultés réelles, la faute lourde n’est plus exigée (CE Sect., 1990, Bourgeois).
- Les activités hospitalières: le fonctionnement du service était originellement seul à engager la responsabilité administrative pour faute simple. Le Conseil d’Etat l’a désormais admis également pour les opérations d’organisation, puis pour les actes médicaux (CE, 1992, Epoux V). de nombreuses obligations sont désormais attachées à la profession médicale. Le médecin doit en effet bien conduire l’examen, comme il doit bien évaluer les résultats et informer le patient.
On assiste donc aujourd’hui à un déclin de la faute lourde. Le degré de la faute exigé s’amenuise continuellement : une « faute manifeste et d’une particulière gravité » était auparavant exigée, puis une faute lourde, puis dans certains domaines, la seule faute simple est désormais admise. Cela permet aux victimes d’être mieux protégées.
Présomption de faute
En principe, la victime doit apporter la preuve d'une faute de l'administration. Dans certains cas pourtant, la jurisprudence admet la présomption de faute :
- Dommages subis pas les usagers des services publics hospitaliers : ces derniers sont responsables des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits ou matériels qu'il utilise (CE, 2003, AP-HP c/ Mme Marzouk).
- Dommages subis par les usagers des ouvrages publics ; l'administration pourra s'exonérer en démontrant un cas de force majeur ou encore en démontrant l'absence de défaut d'entretien
Il existe d'autres cas dans lesquels la présomption est admise (organisation du service, défaut de surveillance, etc.).