Théories de l'état
L’existence d’un Etat repose sur des conditions définies au début du 20eme siècle et formalisées par la « théorie des trois éléments ». Selon Max Weber l’Etat doit bénéficier d'un pouvoir de contrainte sur une population et sur un territoire donné.
On considère en effet que l'existence de l’Etat repose sur trois éléments : un territoire, un gouvernement et une population.
Territoire
Pour Maurice Hauriou, l'Etat est "un phénomène essentiellement spatial" ; il n'y a pas d'Etat sans territoire.
Tout Etat bénéficie donc d’un territoire délimité par des frontières, qui constituent les limites géographiques d’application des normes juridiques. L’Etat dispose donc d’un territoire limité sur lequel ses compétences sont exercées et qui permet de fixer l’espace de compétence des gouvernés comme des gouvernants. L’Etat bénéficie ainsi d'un monopole pour l’édiction des règles applicables sur son territoire, jusqu'à ses frontières. Cet espace à trois dimensions se compose d'un espace terrestre, d'un espace maritime (sous-sol) et d'un espace aérien, le tout étant délimité par des frontières.
La notion de territoire n’a pas toujours été un attribut nécessaire (cas des empires romains ou africains). Désormais pourtant, les frontières sont synonymes de délimitation culturelle, historique, qui rappelle une identité particulière, un lieu de souvenir, d’affection pour ce territoire. Néanmoins, la séparation de deux domaines d’application juridique, naturelle (par les mers), ou artificielle (établies par traité) issue des frontières régresse progressivement amenant ainsi à un rapprochement toujours plus étroit entre les pays. L’interdépendance économique et politique croissante des Etats entraîne l’ouverture des frontières en augmentant les flux de personnes et de marchandises (ex : espace Schengen mis en place en Europe en 1985 pour renforcer la libre-circulation). Mais ces flux doivent se réguler, par des contrôles, pour les marchandises, et également pour les personnes.
Population
Un Etat est nécessairement composé d’une population, plus ou moins unie. Mais il existe différentes conceptions de la nation : une conception objective et une conception subjective.
Selon la conception objective, faire parti d’un Etat n’est pas une question de sentiment, mais de droit (Hans Kelsen). Les étrangers et les nationaux sont tous deux assujettis à ce droit, de façon permanente ou non, par filiation ou non ; pour se représenter cette idée, l’image du noyau stable entouré d’une périphérie mobile est caractéristique.
Selon la conception subjective de la nation, le rassemblement d’une population résulte d'un sentiment d’appartenance, d'une histoire, de lieux communs ; ces sentiments subjectifs sont au fondement de toute nation, formée par le désir de vouloir-vivre ensemble. La nation serait donc un concept politique mettant en jeu des critères objectifs comme la race, la langue ou la religion, où les associations sont volontaires, « c’est un vouloir vivre collectif » selon Renan.
La constitution d’une nation peut reposer sur des éléments purement subjectifs comme la religion ou la langue ; pourtant, ces éléments, qu’ils soient subjectifs ou objectifs, permettent l’émergence d’une population unie, possédant de nombreux points communs qui favorisent cette unité. Cette conscience morale amène à la construction des Etats-Nation. Pourtant certaines nations ne constituent pas des Etats : c’est le cas des palestiniens, ou des kurdes ; mais il existe aussi des Etats sans nation, constitués de rassemblements de population formés artificiellement. Mais pour s'assurer du loyalisme des gouvernés envers l'Etat, il semble nécessaire d'intégrer la nation à l’Etat.
Le peuple constituerait donc un concept sociologique et l’Etat un concept juridique.
Pouvoir coercitif
Si l’Etat dispose du statut juridique de personne morale, il n’est pas le seul ; pourtant les associations ou les syndicats, eux, n’ont pas le pouvoir souverain. L’Etat est donc indépendant de toute norme juridique qui lui serait supérieure. Bodin avait dès 1576 énoncé le lien existant entre souveraineté et indépendance, admettant ainsi la suprématie du roi. Le seul titulaire de la souveraineté, l’Etat, n’a en théorie pas de concurrents, car non soumis à une autorité. Au contraire, la pratique montre que les institutions formées en parallèle lui font concurrence. Le pouvoir d’Etat reste malgré tout important, car l’élaboration des lois constitue le commencement de toute vie sociale. Ce pouvoir permet aussi de distribuer ses compétences à des autorités qui mettront en œuvre la législation. S’il s’impose de manière unilatérale aux gouvernés en tant que prescripteur de droit, l’Etat est soumis au droit, par des limites dans l’édiction des lois, notamment par les textes suprêmes comme la Constitution. Aussi, même si l’Etat est souverain, les organisations supra-étatiques peuvent lui faire face en cas d’évènement grave.
Le pouvoir de contrainte est le pouvoir normatif, émettant des obligations sous forme de normes et de règles à appliquer. Cette application du droit se fait sur les particuliers, provenant de l’Etat, mais aussi de particulier (cadre d’un contrat, ou d’un syndicat). L’Etat possède le monopole de la violence légitime en ce sens que seul l’Etat pour utiliser la force à l’inverse des particuliers. L’Etat peut au contraire exercer une violence illégitime dans le cadre d’un régime dictatorial ou autoritaire, tout en restant un Etat.