Exception d’inexécution
L’exception d’inexécution consiste dans la suspension par l’une
des parties de ses obligations pendant le temps de l’inexécution de
son cocontractant. En attente de la contre-prestation de l’autre
partie, le cocontractant peut refuser elle-même d’exécuter sa
prestation.
Cette possibilité n’est pas clairement établie par la loi, mais
certaines conditions ont néanmoins pu être dégagées.
Il faut tout d’abord constater l’existence de l’inexécution,
qu’elle soit totale ou partielle. Il faut ensuite s’assurer que le
créancier est de bonne foi. Si une partie se refuse à exécuter son
obligation car l’autre partie n’a pas effectué une obligation
accessoire, il ne peut légitimement demander l’exception
d’inexécution.
Elle permet la suspension de l’exécution de l’obligation, sans
toutefois faire disparaitre les obligations elles-mêmes.
L’exception d’inexécution constitue une justice privée en ce
sens qu’elle ne donne pas lieu à un recours devant le tribunal, ni
à une mise en demeure préalable. Elle est néanmoins opposable aux
tiers.
Résolution pour inexécution
L’article 1184 du Code civil dispose que « La condition
résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats
synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne
satisfera point à son engagement ».
L’inexécution du contrat par l’un des cocontractants peut
conduire l’autre cocontractant à demander la résolution du contrat
avec dommages et intérêts. Face à l’inexécution de son
cocontractant, le créancier a en effet le choix entre : la demande
d’exécution forcée en nature, et la demande de résolution (les deux
ne peuvent se cumuler).
La résolution est demandée par un recours en justice ; le juge
doit alors vérifier si les conditions de résolution sont bien
remplies. Afin d’éviter la résolution, le juge peut donner un délai
au débiteur pour qu’il s’exécute, ou simplement accorder des
dommages et intérêts au demandeur sans accorder la résolution.
Mais la résolution pour inexécution peut être simplement prévue
par le contrat. Une disposition contractuelle a en effet pu le
prévoir expressément.
La résolution entraine l’anéantissement rétroactif du
contrat.
Résolution judiciaire
La résolution judiciaire concerne majoritairement les contrats
synallagmatiques, même si certains contrats unilatéraux peuvent en
faire l’objet.
Elle peut être demandée en cas d’inexécution dans le versement
des charges, par exemple en cas de donation. Ainsi également du
gage et du prêt à intérêts.
Certains contrats synallagmatiques sont exclus de la résolution
: c’est le cas de certains contrats aléatoires comme les contrats
d’assurance.
Conditions
Une inexécution devra avoir été constatée, et celle-ci devra
être grave. Mais l’inexécution peut ne pas être totale. En
revanche, l’inexécution doit porter sur une obligation déterminante
pour la bonne exécution du contrat. Le juge distingue en effet
l’obligation accessoire de l’obligation principale afin de
déterminer si l’inexécution était déterminante pour le contrat et
donc si celui-ci peut faire l’objet d’une résolution. Dès lors
qu’une obligation principale n’a pas été exécutée, la résolution
peut être accordée, même en cas de force majeure.
S’agissant de la demande de résolution, seul le créancier est
habilité à en prendre l’initiative. Il dispose en effet du choix
entre l’exécution forcée des obligations par le cocontractant
défaillant et la résolution du contrat. De son côté le débiteur n’a
aucun droit d’action envers son créancier ; il peut néanmoins
proposer d’effectuer son obligation, et ce, à n’importe quel moment
de la procédure.
Le juge dispose d’une certaine large part de manœuvre dans
l’appréciation de l’inexécution. Il lui reviendra d’apprécier les
circonstances de l’inexécution ainsi que la bonne foi des
contractants. Tous les éléments, même postérieurs à la conclusion
du contrat pourront être pris en compte ; ainsi, si le débiteur a
commencé à exécuter sa prestation, le juge peut en tenir compte
dans son jugement et lui accorder un délai de grâce afin de lui
laisser le temps de s’exécuter ; il peut également lui demander de
verser des dommages et intérêts. Le juge peut enfin prononcer la
résolution seule, partielle ou totale, et ajouter ou non l’octroi
de dommages et intérêts. Le juge peut néanmoins refuser de
prononcer la résolution, et au contraire ordonner son
exécution.
Si le juge peut être sollicité pour parvenir à la résolution du
contrat, le contrat lui-même peut contenir des dispositions
permettant la résolution dès lors que l’inexécution est constatée,
et ce, sans recours au juge. La jurisprudence admet en effet qu’une
des parties rompe unilatéralement le contrat à durée déterminée en
cas de comportement grave de l’autre partie, si une clause
résolutoire figure dans le contrat : « la gravité du comportement
d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette
fin de faon unilatérale à ses risques et périls, peu importent que
le contrat soit à durée déterminée ou non » (article 1134
C.civ.).
Effets
La prononciation d’une résolution conduit à annuler
rétroactivement le contrat, et à la restitution par chacune des
parties des biens éventuellement échangés. La résolution peut avoir
des effets également sur les tiers.
Dans certains cas, la résolution entraine des conséquences
problématiques. Lorsque l’exécution a commencé, la question de la
restitution pose problème ; c’est le cas des contrats à exécution
successive, pour lesquels l’exécution a en effet été effectuée en
partie. On résout ce problème en effectuant une résiliation du
contrat, qui n’ayant pas d’effet rétroactif, permet de conserver
l’exécution partielle déjà effectuée. Le contrat prend fin
seulement à la date où le débiteur a cessé d’exécuter ses
obligations. Néanmoins, cela ne peut fonctionner que pour les
objets divisibles, l’exécution pouvant être effectuée en plusieurs
étapes. Lorsque le contrat a un objet indivisible, seule la
résolution peut être demandée.
Les effets de la résolution concernent aussi les tiers ; ils
sont les mêmes que dans les cas de nullité.
Clauses de résolution de plein droit
Le Code civil n’évoque les clauses de résolution de plein droit,
mais la jurisprudence a admis le fait que les contrats puissent
inclure de telles clauses. En vertu du principe de la liberté
contractuelle, les parties au contrat peuvent ainsi décider des
conséquences éventuelles de la non exécution des obligations par
l’une des parties en prévoyant la résolution ou la résiliation.
Cette disposition est licite dans la majorité des cas.
La clause résolutoire permet la résolution de plein droit en cas
d’inexécution constatée par l’une des parties. Le contrat peut
ainsi être résolu de manière unilatérale sans aucun recours à un
juge, le contrat le prévoyant lui-même.
En fonction de la partie, les possibilités de recours varient.
Le débiteur n’a aucun droit d’opposition à sa propre inexécution.
Le créancier, en revanche, peut choisir la résolution judiciaire
par laquelle une demande d’exécution forcée peut être effectuée, ou
la résolution conventionnelle, peu importe si une clause
résolutoire existe ou non. On peut rappeler que le créancier ne
peut obtenir de dommages et intérêts s’il obtient la résolution
conventionnelle.
La clause résolutoire étant susceptible d’entrainer des abus,
elle doit être proportionnée à l’étendue de l’inexécution. Si
l’inexécution est totale, la clause résolutoire peut constituer une
sanction grave, adaptée à l’étendue de cette inexécution ; en
revanche, lorsque l’inexécution est mineure, elle semble ne pas
pouvoir justifier une telle mesure. Mais il revient aux parties
d’établir les conditions d’application de la clause résolutoire, le
juge n’étant pas habilité à contrôler la proportionnalité de la
clause par rapport à l’étendue de l’inexécution. Le juge peut
seulement contrôler la mise en œuvre de la clause, en prenant
notamment en compte l’éventuelle mauvaise foi du créancier et en
vérifiant l’absence d’ambigüité de la clause ; le juge vérifie
également que la clause s’applique bien en raison d’un manquement
expressément inscrit dans le contrat.
La théorie des risques
Certains évènements extérieurs à la volonté des parties peuvent
avoir des conséquences sur le contrat lui-même. Le contrat peut ne
plus pouvoir être exécuté en raison de la survenance d’évènements
particuliers. Cela pose la question des conséquences d’un cas de
force majeure sur l’exécution du contrat.
Ainsi, si un appartement brule dans un incendie, le locataire
continuera-t-il à payer son loyer alors même qu’il ne peut plus
l’occuper ? Le législateur répond par l’article 1172 du Code civil
que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en
totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ». Le
débiteur ne pouvant satisfaire ses obligations, il ne peut demander
l’exécution par l’autre partie de ses obligations.
On applique le principe selon lequel débiteur supporte les
risques du contrat (res perit debitori). Il ne peut exiger
l’exécution de la contre-prestation normalement due par l’autre
partie. Le créancier se voit ainsi libéré de ses obligations, et le
contrat prend fin.
Lorsque l’impossibilité d’exécuter ses obligations était totale,
toutes les obligations, des deux parties, sont annulées. Si
l’impossibilité est seulement partielle, le créancier n’est qu’en
partie libéré de ses obligations.
La théorie des risques s’applique à l’ensemble des contrats
synallagmatiques, et notamment au contrat de bail. Les parties
peuvent aménager la mesure en faisant supporter les risques au
créancier, et non au débiteur ; le juge devra alors s’assurer que
le créancier aurait refusé de conclure le contrat s’il avait eu
connaissance d’une telle inexécution, mais également que le
débiteur n’est pas responsable de l’inexécution (s’il ne l’a pas
provoquée).
Il existe une exception en matière de propriété : on suit alors
la règle selon laquelle « la perte est pour le propriétaire » (res
perit domino). En cas de vente ou d’échange en effet, le
propriétaire supporte les risques. Si le bien est détruit, même si
la destruction résulte d’un cas de force majeure, le propriétaire
supporte cette perte. De même, lorsque le propriétaire vend son
bien, le nouveau propriétaire doit supporter les risques, même si
le bien est toujours sous l’emprise temporaire de l’ancien
propriétaire. L’article 1138 du Code civil dispose ainsi que la
vente de la chose « rend le créancier propriétaire et la chose à
ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la
tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit
en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de
ce dernier ». Par conséquent, si un nouveau propriétaire vient
d’acquérir un immeuble et qu’un incendie s’y déclare alors même que
l’immeuble se trouve encore entre les mains de l’ancien
propriétaire, il devra en supporter les risques.