Attribution Sociale

L'être humain a constamment besoin de chercher les causes des évènements qui surviennent et des comportements d'autrui. Pour cela, dans les situations quotidiennes, il imagine les sentiments ou les qualités de l'autre en se fondant sur son humeur, un geste ou encore un objet. Cela permet d'expliquer les évènements et ainsi de comprendre son environnement.

Pour expliquer les évènements, actions ou comportements de quelqu'un ou de lui-même, l'individu se fonde sur deux types de critères:

  • explications internes à la personne (ex: qualité de la personne)
  • explications externes, liées à l'environnement (ex: situation difficile)

$$ Pour comprendre l'environnement, les individus structureraient les personnes, les objets ou encore les concepts en établissant entre eux des liens (Heider, 1946). En organisant ainsi une vision équilibré et cohérente de son environnement, l'individu attribuerait un sens et une origine aux évènements. En conservant ainsi la stabilité de son environnement, cela permet d'éviter tout déséquilibre cognitif. $$

Ainsi, on peut expliquer les évènements de vie (ex: accidents, examens, etc.). Par exemple, pour expliquer le comportement d'autrui, l'individu a tendance à prendre en compte sa personnalité, moins la situation dans laquelle il se trouve. Par exemple, si quelqu'un a raté un examen, il attribuera des causes internes (ex: absence de travail suffisant), éludant les causes externes (ex: retard causé par une grève). L'individu infère ainsi des informations, "une intuition, une qualité, un sentiment sur son état ou sur l'état d'un autre individu" (Moscovici, 1972). Il attribue des causes aux évènements pour maîtriser et contrôler son environnement.

$$ Dans l'expérience de Zimbardo (1973, 1975), qui aurait montré que les individus endossaient rapidement le rôle de persécuteur dès lors qu'on leur en donnait la possibilité, on expliquait ce comportement par la personnalité des individus, moins par les circonstances alors que cela semblait plutôt s'expliquer ainsi (attribution d'un pouvoir sur les autres). $$

Conceptualisation

Lorsqu'ils perçoivent les actions d'autrui, les individus peuvent les expliquer par des facteurs dispositionnels ou situationnels.

Des chercheurs ont ainsi montré que les individus tentent surtout de trouver des explications stables (Jones et Davis, 1965) afin de vivre dans un environnement qui demeure ainsi stable. Car si les gens agissent toujours de la même manière dans une situation et à travers le temps, alors l'environnement reste rassurant et l'individu pense maîtriser et contrôler le monde social.

Ainsi, les individus vont effectuer un lien entre ce qu'ils observent et les dispositions stables de la personne : ses traits de caractère et donc sa personnalité. Cela leur permet de prédire le comportement de cette personne dans d'autres situations et d'expliquer ses manières d'agir. Mais pour pouvoir expliquer un acte par des dispositions internes et non par des facteurs environnementaux, il faut que l'observateur suppose que l'acteur est conscient des effets de son comportement. En outre, l'acteur doit avoir choisi d'agir ainsi et non autrement. C'est ce qui permet en effet à l'observateur de s'interroger sur les raisons qui ont poussé l'acteur à se comporter ainsi ; il va alors examiner les autres comportements qu'il aurait pu avoir et en imaginer les conséquences. De cette façon, il va distinguer les conséquences qui résultent d'un seul comportement ou de différents comportements, et ainsi effectuer la bonne inférence.

$$ Par exemple, quelqu'un choisit d'étudier la philosophie après avoir hésité avec la sociologie, qu'un ami étudie aussi. Le fait-il parce qu'un ami le fait aussi ou parce qu'il préfère véritablement la sociologie ? $$

D'autres chercheurs (Beauvois et Dubois, 1988) vont expliquer l'erreur fondamentale d'attribution par le respect d'une norme sociale : le fait d'expliquer les évènements par des dispositions internes serait normatif, déterminé par la société. Ayant en effet intégré les normes sociales, et donc ce qu'il faut faire ou ne pas faire dans une situation spécifique, l'individu les respecte car il aime être dans la norme, cela le valorisant socialement.

$$ Il a été montré que les explications internes étaient plus valorisés que les explications externes dans les sociétés occidentales, ce, dans différents domaines (scolaire, professionnel, etc.). $$

D'autres chercheurs (Kelley, 1967, 1972) ont quant à eux étudié la façon dont les individus expliquent deux ou plusieurs évènements. Par exemple, si quelqu'un n'arrive pas à travailler, est-ce dû à sa fatigue (disposition interne) ou à la chaleur qu'il fait dans la pièce (facteurs externes) ? Pour comprendre ce comportement, on peut essayer de savoir si ce comportement peut être généralisé ou si cela est propre à la personne. Plusieurs éléments sont ainsi pris en compte :

  • consensus (l'évènement est généralisable / ou non)
  • distinctivité (seule la personne agit ainsi dans pareille situation / ou non)
  • consistance (la personne se comporte de la même façon à travers le temps ou face au même stimulus / ou non) Les individus seraient plus sensibles aux informations relevant de la distinctivité et de la consistance que du consensus. Par ailleurs, il est impossible de disposer de toutes les informations disponibles. Ainsi, l'observateur, en raison du manque d'informations ou de temps, ne peut pas toute analyser. Il va alors utiliser des schémas causaux résultant d'expériences passées ("raisonnement courts").

Biais attributifs

Erreur fondamentale d'attribution

C'est la tendance à surestimer les facteurs personnels (tels que la personnalité) et à sous-estimer les facteurs conjoncturels (causes situationnelles : circonstances, situation) pour expliquer le comportement d'autrui (Ross, 1977). Cela s'explique par la tendance des individus à vouloir contrôler leur environnement. En conséquence, ils tentent de prédire le comportement d'autrui en se fondant sur ses dispositions internes stables, qui ne manqueront pas de déterminer ses comportements futurs. Mais on peut aussi expliquer cette tendance par les mécanismes mentaux de l'individu, qui catégorise le comportement, puis le fait correspondre à la personnalité de son auteur (Gilbert, 1989). Puis, il faudrait ajuster, corriger cette perception. Mais n'ayant pas de ressources cognitives suffisantes pour tout analyser, cet ajustement serait insuffisant.

Biais d’auto-complaisance

L'individu a tendance à estimer que ses réussites sont de son propre fait (dispositions internes), mais que ses échecs sont le fait des autres ou de la situation (causes externes). Ainsi, seul ce qui est positif s'expliquerait par ses propres caractéristiques (ex: efforts personnels fournis lors d'un examen). Dès lors que cela s'avère négatif, l'individu blâme le milieu (ex: mauvaises conditions d'examen).

$$ Dans une expérience (Johnson et al., 1964), quand on demandait à des enseignants pourquoi certains élèves était en échec, ils l'expliquaient en blâmant l'enfant (manque d'effort, etc.). A l'inverse, lorsque l'enfant réussissait, ils évoquaient leurs propres manière d'enseigner. $$

Ce faisant, les individus se perçoivent toujours positivement. En conservant une bonne image d'eux-mêmes, ils se présentent favorablement aux autres et gardent l'impression de contrôler leur environnement. Et lorsque l'échec devient difficilement attribuable à un facteur extérieur, alors l'individu se trouve des excuses internes (Berglas et Jones, 1978). Puisqu'il s'attend généralement à réussir ce qu'il entreprend, il a des attentes internes qui expliquent qu'ils acceptent davantage sa responsabilité en cas de réussite. Dans le cas contraire, dans la crainte de ne pas réussir, l'individu peut s'infliger intentionnellement un handicap qui lui servira d'excuse en cas d'échec. Cela révèle un comportement immature, dans lequel l'individu refuse d'avoir tort, de ternir son image de lui-même. Il évite de cette façon de s'interroger, de se remettre en question, le conduisant parfois à aller jusqu'au déni, à l'entêtement.

Biais acteur-observateur

Les individus ont tendance à expliquer le comportement d'autrui par des causes externes et à expliquer leur propre comportement par des causes internes (différence entre auto et hétéro-attribution).

$$ Dans une expérience (Nisbett et al., 1973), une personne (l'observateur) est témoin d'une scène: une personne (l'acteur) rend service à une autre (l'expérimentateur). Puis, lorsqu'on demande à l'observateur d'expliquer le comportement de l'acteur, il l'attribue à des dispositions internes. L'acteur, lui, évoquera des causes externes. $$

Pour expliquer ce biais, certains avancent que se fonder sur des dispositions internes pour expliquer le comportement d'autrui résulte d'un besoin de maîtriser son environnement. En effet, cela permet de prédire les comportements futurs des autres et donc de demeurer dans une certaine stabilité. Mais cela peut aussi venir du fait que l'on ne s'observe pas soi-même. Lorsqu'on est observateur en revanche, on dispose de plus amples informations qui élargissent la perspective. L'acteur quant à lui connaît ses dispositions internes (ex: efforts qu'il a fourni), ce que ne sait pas l'observateur. Ce dernier, lui, peut également imaginer ce qu'il aurait fait lui-même dans cette situation ; cette comparaison le conduit à effectuer des attributions internes.

Biais de confirmation

L'individu ne prend en compte que les propos et informations qui viennent confirmer ses convictions. Ainsi, lorsqu'il rencontre par exemple une personne dont il ne connaît qu'un seul trait de la personnalité, il va avoir tendance à ne retenir que les informations qui confirment ce trait. De cette façon, les informations congruentes sont seules sélectionnées pour confirmer ses croyances, ce qui conduit à une communication biaisée. Les individus peinent en effet à s'informer sur des idées contraires d'opposants qui ébranleraient leurs certitudes.

$$ Dans une expérience (Synder et Uranowitz, 1978), on demandait à des étudiants de lire la biographie d'une femme. Puis, une semaine plus tard, on les informait qu'elle était en couple avoir un homme / ou avec une femme. Et lorsqu'on demandait ensuite aux étudiants de répondre à un questionnaire sur sa vie, ceux qui la croyaient homosexuelle se souvenaient qu'elle n'avait pas eu de petit ami stable auparavant ; les autres se rappelaient au contraire qu'elle avait eu un ami à l'université. Ainsi, les croyances qu'un individu a sur autrui ont un effet sur le souvenir qu'il en a. $$

La communication est d'autant plus biaisée que l'individu lui-même la personne peut elle-même finir par intégrer ses croyances en les prenant pour la réalité. Elle va ainsi régulièrement agir conformément aux attentes d'autrui, ce qui va renforcer l'image que les autres ont d'elle. Leur comportement social pourra alors devenir stable dans le temps, ces individus devenant ce qu'ils étaient supposés être.