Groupes et normes
Fondé sur une organisation particulière qui permet une distribution des rôles et statuts de chacun, le groupe constitue une structure sociale. En effet, il détermine des normes formant l’identité du groupe, ce qui conduit les membres du groupe à interagir entre eux et s’influencer réciproquement.
Qu'est-ce qu'un groupe ?
Un groupe est caractérisé par sa cohésion, son identité. Intégrer un groupe permet à l'individu de bénéficier de ses attributs: "Youngblood (1984) a montré que des individus étaient enclins à se joindre à un groupe dans la mesure justement où ils percevaient que celui-ci comblait leurs besoins ou répondait à leurs intérêts. "
Cohésion
Le groupe se fonde sur la force des liens unissant ses membres, et donc sur la cohésion. Cette dernière rassemble l'ensemble des forces exercées par un groupe vis-à-vis de ses membres. Cela les maintient unis dans un lien d'attraction et accroît la conformité des membres aux normes du groupe.
Le phénomène de cohésion de groupe a été étudié dès la fin de la Seconde Guerre mondiale à travers une expérience portant sur les facteurs influençant le rendement au travail (Mayo, 1945). Un groupe d'ouvrières avait été placé dans une pièce, les laissant libres de discuter entre elles. Elles pouvaient alors apprendre à se connaître, se valoriser mutuellement et ont tissé des liens de sorte à développer un sentiment d’appartenance au groupe ainsi constitué. Cela a conduit à un engagement plus important pour les objectifs fixés par la hiérarchie : les rendements étaient donc améliorés par l'existence d'interactions sociales positives, non par exemple par de meilleures conditions matérielles du travail.
Dans cette même perspective, les groupes dans lesquels les individus ont intérêt à coopérer plus qu'à entrer en compétition sont plus performants (Deutsch, 1949). Et pour cause, les membres s'écoutent davantage, renforçant une cohésion favorable à l'émergence d'un sentiment global de satisfaction et de sécurité (ils ont tendance à exprimer plus facilement leurs émotions et à développer une estime mutuelle).
Cependant, l'on constate également qu'une faible cohésion peut conduire à une performance élevée : les rapports conflictuels entre les membres du groupes permettent de développer une meilleure créativité.
L'identité de groupe
Se définir en tant que groupe nécessite de maintenir une identité sociale positive (Tajfel, 1972), un certain favoritisme intragroupe se crée alors et l'on favorise les membres de son groupe (Tajfel et coll. 1971). En effet, l'identification de individu au groupe auquel il appartient est un élément central de son identité personnelle. Il doit donc protéger son groupe, maximiser ses profits (stratégie du profit maximum endogrogroupe) de sorte à le différencier largement des autres groupes.
Ainsi, si l'identité sociale du groupe est menacée par des éléments internes (non-respect des normes), les comportements déviants peuvent être écartés (la peur de la déviance conduit au conformisme, une motivation puissante de comportement); toutefois, certains groupes peuvent se montrer tolérants ou faire évoluer ses normes. Si le groupe s'éloigne de son identité originelle, les individus peuvent le quitter pour entrer dans un groupe plus valorisé socialement. Enfin, si la menace qui affecte son identité est extérieure, le groupe peut décider de lutter contre ce qui le menace (d'autres groupes) et ainsi mobiliser ses membres et ériger de nouvelles valeurs.
Pensée de groupe
Les individus ont tendance à modérer leurs jugements lorsqu’ils sont en groupe afin d’éviter un désaccord trop important avec les autres (Allport, 1924). Les individus effectueraient ainsi des concessions afin de maintenir la cohésion du groupe ou de la société en se rendant acceptables vis-à-vis d’autrui. Ainsi, les groupes modèrent les aspirations individuelles (Sherif, 1935).
Le groupe a en effet tendance à se replier sur une façon de pensée qui ne tolère pas toujours les concessions, parfois perçues comme des menaces à son intégrité. Ainsi, les membres d'un groupe trop soudé autour de la posture affirmative d'un leader ou trop isolé des influences extérieures peuvent se satisfaire de ce qu'ils pensent et ressentent tous la même chose, sans volonté de prendre en compte d'autres points de vue. De ce fait, de mauvaises décisions peuvent être prises en groupe en raison d'une vision erronée de la situation (Janis, 1971).
Toutefois, certaines situations contredisent ces études. En famille par exemple, malgré une bonne cohésion de groupe, des désaccords peuvent apparaître.
Polarisation et changement
En groupe, l'individu a tendance à prendre plus de risques qu'individuellement : c'est le phénomène de polarisation collective, qui consiste dans la prise de positions extrêmes. La polarisation résulterait notamment du sentiment d'irresponsabilité des membres du groupe ; la responsabilité étant partagée, chacun se sent moins impliqué dans les conséquences de la prise de décision.
Collectivement donc, les jugements se radicalisent et deviennent plus extrêmes que les jugements individuels des membres d'un même groupe. Les discussions entre les membres d'un groupe tendent à renforcer certaines convictions (positives comme négatives) (Moscovisci et Zavalloni, 1969) lorsque chacun se sent impliqué dans l'échange et que le groupe montre une grande variété de points de vue.
Aussi le changement est-il difficile dans un groupe. Lewin considère en effet qu'en raison du système d'interdépendance qu'il constitue (interdépendance entre membres, entre buts, normes, représentations, répartition des rôles), le groupe se place dans un état d'équilibre (rapports dynamiques entre les éléments) qui englobe ce que l’on appelle la résistance au changement. Le groupe apparaît donc comme une unité expérimentale qui permet de comprendre les mécanismes de changement qui s'y opèrent et que l'on peut transposer aux organisations et aux sociétés.
Relations intergroupes
Les relations intergroupes sont fondées sur les croyances, les stéréotypes acquis envers d'autres groupes sociaux. Elles sont difficiles lorsque les stéréotypes véhiculés sont négatifs et que l'autre groupe est considéré comme une menace extérieure. Cette dernière accroît la cohésion intra-groupe (Stein, 1976).
De même, l'engagement du groupe vers un but commun ou encore la compétition entre les groupes augmentent la cohésion au sein des groupes. En effet, les membres renforcent alors leurs liens pour vaincre les autres, mais aussi en nourrissant des sentiments négatifs à l'égard de l'autre groupe.
Ces caractéristiques ont notamment été constatées dans une expérience menée dans les années 1950 (Théorie des conflits réels, Sherif et coll. 1953): des garçons de 10-12 ans, issus du même milieu social (protestants, blancs) et ne se connaissant pas, étaient placés dans des groupes au hasard. Une identité de groupe était ensuite forgée (nom, activités, drapeau) et les groupes ont vite fonctionné en fonction des normes de fonctionnement qu'ils s'étaient créés et n'entretenaient pas de relation avec les autres groupes. Puis, des activités compétitives créant de l'hostilité sont mises en place. Les groupes deviennent alors plus cohésifs, les liens se renforçant entre les membres, qui se jugent les uns les autres de plus en plus favorablement (biais de favoritisme intragroupe). A l'inverse, les termes employés pour parler des membres de l'autre groupe sont beaucoup moins favorables. Ainsi, chaque groupe s'estime meilleur que l'autre. Et bien que des activités communes soient proposées pour résoudre le conflit, celui-ci ne s'apaise pas. Il faudra que des activités nécessitant une coopération entre les groupes sont mises en place pour que les contacts s'améliorent et que les groupes finissent par se réconcilier après de nombreuses activités de ce type. En coopérant en effet, les enfants ont appris à se connaître et constater u'ils n'étaient pas si différents.