L'obéissance

On peut distingue la soumission librement consentie de la soumission à l'autorité.

Soumission librement consentie

A travers la manipulation, il est possible d'amener quelqu'un à agir de sorte qu'il ait l'impression de faire librement ce qu'on lui demande. Les techniques comme celle du "pied dans la porte" ou de l'amorçage (voir chapitre: Dissonance cognitive) reposent sur l'impression qu'ont les gens de conserver leur liberté bien qu'ils agissent tel qu'on le leur demande. En outre, lorsqu'un individu adhère psychologiquement à la demande, il se sent impliqué et, se sentant libre de son choix, il se sent lié par le comportement qu'il va adopter (Kiesler, 1971).

Soumission à l'autorité

La majorité des individus se soumet aux ordres émis par une autorité qu'ils jugent légitime, quitte à commettre des actes inhumains. Ils ont en effet du mal à résister à une autorité et abdiquent face à elle.

L'expérience de Milgram

La soumission à l'autorité est le processus par lequel un individu modifie son comportement en dépit de ses convictions pour obéir aux ordres d'une autorité qu'il estime légitime. C’est ce que va étudier Milgram dans les années 1960-1970.

Pour son expérience, Milgram informe deux participants qu’il effectue une étude sur le rôle joué par la sanction dans l’apprentissage. Il lui dit ensuite qu’il devront jouer un rôle de professeur ou d’élève, déterminé par tirage au sort. Le professeur devra infliger un choc électrique à l’élève si celui-ci répond mal aux questions qu’il lui aura posé. En réalité, le tirage au sort est truqué et l’élève est un compère. Ainsi, le participant, sujet naïf, est forcément professeur, et les chercheurs vont observer son comportement face au générateur électrique, dont les manettes permettent d’infliger un choc électrique de plus en plus dangereux (15 à 450 volts). De plus, au cours de l’expérience, le sujet sera poussé à aller de plus en plus loin par l’expérimentateur (“continuez s’il vous plaît, je vous prie de continuer”) tandis que l’élève va gémir puis hurler de douleur. Les résultats de cette expérience vont montrer que 62,5% des sujets obéissent jusqu’au bout.

Constant qu'un nombre non négligeable de sujets obéissent à une autorité qui leur ordonne d'infliger d'importantes douleurs à un inconnu, Milgram va chercher à expliquer ce phénomène. Pour cela, il va distinguer deux états psychologiques:

  • l’état d’autonomie : l’individu se considère responsable de ses actes ;
  • l’état d’agent : état dans lequel l’individu se déresponsabilise de ses propres comportements, se considérant comme simple exécutant face à une autorité légitime qui s’adresse directement à lui.

S. Milgram considère en effet que lorsque l'individu se trouve dans une structure hiérarchique qui le soumet à une autorité, il se comporte différemment: il perd son rôle d'acteur et devient un agent qui se pense irresponsable. Toutefois, son expérience montre à quel point la situation était difficile à vivre pour les sujets, qui vivent un véritable conflit intérieur. En effet, alors que les élèves hurlent de douleur, ceux-ci évitent de les regarder. La tension qu'ils vivent a chez certains été atténuée par la dévalorisation de la victime.

Explications de la soumission

Dès l'enfance, l'individu apprend à obéir. Il intériorise la vertu d'obéissance aux personnes placées au-dessus de lui (récompense à l'obéissance, punition en cas de refus). Il identifie l'autorité, marquée par des caractéristiques repérables, puis accepte les situations telles qu'elle les définit. La soumission est ainsi intériorisée.

Mais il est des situations dans lesquelles l'individu perd son autonomie. Comme dans l'expérience de Milgram, le sujet ne se sent plus responsable de ses actes et ne fait qu'obéir à des ordres ; il se trouverait dans ce qu'on appelle "l'état argentique". Dans cet état, l'individu estime n'avoir plus à juger si ce qu'il fait est bien ou non. Il s'en remet à l'autorité, à laquelle il est entièrement réceptif ("la syntonisation"). Il se sent ainsi engagé dans ses actions sans s'en estimer responsable.

L'individu se sent d'autant plus engagé que les demandes de l'autorité sont graduelles. On lui en demande un peu, puis, ayant déjà agi, il continue lorsque les demandes sont plus difficiles (Gilbert, 1981). Il se trouve en effet engagé dans l'action.

On peut également rappeler que le sujet se soumet en fonction de la légitimité et du prestige de l'autorité. Le degré d'obéissance à l'autorité dépend donc de la source. S'il s'agit d'une instance hiérarchique, l'individu aura davantage tendance à se sentir irresponsable. De même, si l'autorité est présente à ses côtés, l'individu obéira plus scrupuleusement. Aussi, lorsque deux autorités donnent des ordres contradictoires, l'obéissance diminue.

Dans une expérience (Hofling et coll., 1966), un médecin téléphonait à des infirmières qui ne le connaissaient pas, leur demandant d'administrer une dose anormale d'un médicament en phase de test à l'un des patients de leur hôpital. 21 des 22 infirmières ayant reçu cet ordre ont obéi à ce médecin qu'elles ne connaissaient pas.

Toutefois, il convient de rappeler qu'une minorité résiste toujours et que des résistances apparaissent dans certains cas.