Vers une stabilisation de l’Ukraine ?
En février 2014, le président Viktor Ianoukovitch était destitué à l’issue de la révolution de « Maïdan ». Un mois plus tard, la Russie annexait la Crimée. S’en suit une escalade de la violence qui replace Moscou et Washington en position de concurrence.
Entre provocations et sanctions
Après l’annexion de la Crimée, la montée en puissance de Moscou a suscité de vives réactions occidentales.
Des sanctions ont alors été imposées à Moscou par les Etats-Unis et l’Union européenne malgré l’importance des relations économiques entretenues entre la Russie et l’Occident.
De nombreux pays européens refusaient ainsi d’imposer des sanctions à Moscou, notamment en ciblant certains oligarques. Ainsi de l’Italie, deuxième exportateur européen vers la Russie, mais aussi de l’Espagne, qui a signé un accord stratégique global avec Moscou en 2009.
La dépendance de nombreux pays occidentaux à l’égard du secteur énergétique russe a elle aussi pesé dans le débat. L’Union dépend pour 25 % à 30 % des livraisons de Gazprom. Malgré cela, la France décidait de suspendre sa coopération avec Moscou et la vente des rafales.
La Russie a augmenté pour la deuxième fois début avril le prix du gaz vendu à l’Ukraine, lui faisant subir une hausse de 80 %. Gazprom exigeait également que l’Ukraine rembourse sa dette gazière. Menaçant de couper le gaz à l’Ukraine, la Russie a été suspendue du Conseil de l’Europe. Moscou avait néanmoins décidé au mois de juin de ne plus fournir de gaz à l’Ukraine, avant de trouver un accord pour la reprise des livraisons de gaz russe à Kiev début novembre 2014.
La multiplication des sanctions a provoqué une fuite de capitaux en Russie : par crainte des sanctions, les investisseurs ont retiré près de 70 milliards de dollars du pays entre janvier et mars.
Fin avril 2014, l’agence de notation Standard & Poor’s avait ainsi abaissé la note du pays à BBB-. Mais ces sanctions ont été considérées comme une aubaine pour une partie des Russes, qui pensent que le pays doit sortir de sa dépendance aux devises et aux produits importés (70 % des produits consommés), mais aussi à l’égard de ses exportations de gaz et de pétrole, surtout vers l’Europe.
Malgré cela, la Russie a poursuivi ses provocations militaires, tandis que les séparatistes prorusses gagnaient du terrain dans la partie russophone de l’Ukraine.
La république populaire de Donetsk s’est autoproclamée début avril et plusieurs villes du sud-est de l’Ukraine ont été mises sous contrôle de militants prorusses, conduisant ainsi de nombreuses régions ukrainiennes à échapper à l’autorité de Kiev.
Kiev a alors cherché à reprendre la main dans la région du Donbass et à imposer un scrutin présidentiel. De son côté, le Kremlin cherchait à imposer une fédéralisation de l’Ukraine tout en évitant un combat armé.
Le 25 mai, les Ukrainiens étaient finalement invités à élire un nouveau président. C’est ainsi que l’oligarque Petro Porochenko a accédé au pouvoir. Le nouveau président s’est alors dit prêt à dialoguer avec la Russie pour mettre fin à des mois de crise.
Allant à l’encontre des volontés de Moscou, le nouveau président manifestait son intention de se rapprocher de l’Union européenne en signant un accord de libre-échange, mais aussi de maintenir l’unité du pays.
Un semblant de désescalade semblait alors s’amorcer : la Russie retirait ses soldats situés à la frontière de l’Ukraine. Mais rapidement, les soldats russes étaient redéployés le long de la frontière orientale de l’Ukraine.
En juillet 2014, l’armée ukrainienne s’est alors lancée dans une lutte contre l’insurrection armée, à l’est du pays.
Rapidement, l’armée ukrainienne reprenait alors la ville de Sloviansk, remportant ainsi une première victoire symbolique avant de se lancer dans la bataille de Donetsk, capitale des séparatistes prorusses.
Un avion de ligne de la Malaysia Airlines était alors abattu alors qu’il survolait l’est de l’Ukraine, provoquant de vives réactions en Occident et révélant les liens entre la Russie et les séparatistes prorusses. Moscou a cependant toujours nié l’implication de ses soldats aux côtés des séparatistes prorusses du Donbass ukrainien.
L’Union européenne a alors pris de nouvelles sanctions dans les secteurs de la défense, de la finance ou encore de l’énergie.
L’escalade des sanctions occidentales a poussé le Kremlin à brandir l’arme du gaz et à prendre des mesures contre l’UE : la Russie a décrété un embargo total sur les produits alimentaires en provenance de l’Union européenne, des Etats-Unis et de l’Australie.
Après avoir subi de lourdes sanctions, la Russie a rencontré le président ukrainien à la fin de l’été, ouvrant ainsi la voie à une résolution diplomatique de la crise.
Parallèlement, Moscou poursuivait son avancée en Ukraine, incitant Bruxelles et Washington à imposer de nouvelles sanctions.
Un cessez-le-feu a finalement été signé le 5 septembre 2014 entre les représentants de Moscou, Kiev et des séparatistes. Et le mois suivant, le président russe ordonnait le retrait de milliers de soldats russes stationnés à la frontière ukrainienne.
Malgré le cessez-le-feu, les combats ont, dans une moindre mesure, perduré, et les provocations ne se sont pas taries.
Fin octobre, des élections législatives étaient organisées, permettant au nouveau président Petro Porochenko d’obtenir une majorité solide et renforçant les pro-occidentaux. De leur côté, les habitants de l’est de l’Ukraine étaient appelés aux urnes pour élire un conseil populaire et un chef, près de six mois après le référendum d’autodétermination de mai 2014.
Alexandre Zakhartchenko a alors été élu chef de la République populaire de Donetsk. La Fédération de Russie a reconnu la validité du scrutin, jugé illégitime par Kiev, l’Europe et Washington.
Le retour de la Russie
La crise ukrainienne a ravivé le nationalisme russe et restauré les tensions entre Moscou et Washington plus de vingt ans après la chute de l’Union soviétique.
Les rapports entre les deux puissances s’étaient pourtant apaisés avec l’arrivée au pouvoir d’Eltsine ; la Russie était alors très endettée tandis que les Etats-Unis vivaient dans la prospérité économique. Lorsque Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir en 1999, les choses ont évolué. Les premières tensions apparaissent lors de la guerre du Kosovo, puis en Irak. Puis les « révolutions de couleur » ont accentué la méfiance de Moscou qui les a considérées comme pilotées par Washington. Mais c’est en 2008 que la Russie va s’affirmer, lors de la guerre en Géorgie, alliée des Etats-Unis. Et progressivement, la Russie va retrouver sa grandeur passée : cours élevés du gaz et du pétrole, rénovation de l’appareil militaire, etc.
Après l’annexion de la Crimée, le peuple russe a manifesté son enthousiasme pour ce coup de force ; 90 % des Russes l’ont approuvé et la popularité de Vladimir Poutine s’est élevée de 60 % en janvier à 80 % en mars.
En exerçant une pression constante sans provoquer de riposte militaire, la Russie cherchait à imposer ses vues sur un territoire convoité.
La vision russe de la guerre moderne se fonderait en effet sur l’information et l’action psychologique.
La montée en puissance de la Russie a inquiété les voisins de l’Ukraine. Alors que la Moldavie craignait une contagion à la Transnistrie, la Suède développait ses moyens de défense et la Finlande projetait de signer un accord avec l’OTAN. De la même façon, la Géorgie signait fin juin 2014 un accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne ; cela a eu d’importantes conséquences politiques en Géorgie, menant notamment à la démission plusieurs ministres pro-occidentaux.
Les sanctions imposées à Moscou ont isolé la Russie et rapproché un peu plus l’Ukraine du camp occidental. Aux sanctions s’est en effet ajoutée l’exclusion de la Russie du club des puissants, devenu le G7.
Cet éloignement de l’Occident a poussé la Russie a renforcer ses liens avec la Chine pour réduire l’impact des sanctions. En octobre, les deux pays ont signé des accords de livraison de gaz russe vers la Chine, mais aussi des accords destinés à accroître le volume de leurs échanges.