Démocratie
D’invention grecque, la démocratie vient des deux mots grecs : kratos, le pouvoir, et demos, le peuple. Il s’agit donc du pouvoir du peuple, qui est alors souverain.
Ce qu’est la démocratie
La démocratie est le « gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple » (Lincoln). Cette définition engendre plusieurs conséquences que sont le respect des libertés individuelles et collectives, ou encore une égalité de droit. Il repose sur un système représentatif puisque le peuple est représenté par des personnes élues ; le consentement populaire se trouve donc à la base de ce système (par le suffrage universel). A l’inverse de la démocratie athénienne, celle que nous connaissons aujourd’hui repose sur l’élection, et non pas sur le tirage au sort.
Types de démocraties
- Démocratie directe : le peuple exerce directement le pouvoir politique ; il prend lui-même les décisions
- Démocratie semi-directe
- Démocratie participative : ce système permet d’accroitre la participation des citoyens à la vie politique. Cela s’effectue par la mise en œuvre d’organes situés au plus proche des citoyens, ou encore l’augmentation de la fréquence des votes.
- Démocratie représentative : le peuple exerce sa souveraineté par le biais de représentants élus ; la démocratie est alors indirectement exercée.
Evolution
La Grèce donne naissance à la démocratie vers 600 avant JC. Il s’agit alors d’une démocratie directe, importante en terme idéologique. Elle va apporter trois principes fondamentaux : isonomia (égalité devant la loi), isegoria (égalité de parole devant l’assemblée), isokrateia, (égalité des pouvoirs). Aussi, la démocratie athénienne repose sur un tirage au sort des citoyens pour occuper tour à tour l’une ou l’autre des positions (tirage au sort des fonctions publiques pour une rotation équitable). Si ces principes sont bien mis en place, les défauts de la démocratie athénienne sont importants : les esclaves, les métèques et les femmes n’ont pas de droits civiques. Le corps citoyen est donc relativement faible.
Le système romain sera plus juste puisque tous pouvaient voter et participer à l’élaboration des lois.
Il faudra attendre la période de la Renaissance en Europe pour y voir les prémices d’une ouverture vers la démocratie. La démocratie est alors réinventée progressivement. Machiavel, dans le Prince veut montrer la désacralisation du pouvoir politique ; il donne l’idée d’une loi sociale qui ne viendrait pas de dieu.
Par la suite, ce sont les révolutions qui vont apporter la démocratie dans le monde. La lutte contre la monarchie va s’amorcer progressivement afin de mettre en avant l’idée démocratique. Les affrontements des anglais contre leur roi mènera à leur victoire et à l’exécution de ce dernier ; cet évènement va ainsi marquer l’avènement de la République, même si ce n’est qu’un peu plus tard que la consécration de droits humains (1688) préfigurera réellement l’arrivée de la démocratie.
Les Lumières apportent une grande réflexion sur la démocratie. La raison ayant pour ces philosophes valeur primordiale, la religion ne pouvait être que détrônée de son pouvoir ; l’absolutisme était ainsi remis en cause. C’est dans ce contexte que le Contrat social de Rousseau apparait ; le rôle de l’Etat est donc de garantir les libertés individuelles. Pour Montesquieu, il devient nécessaire de limiter le pouvoir par le pouvoir : c’est la théorie de la séparation des pouvoirs. Ces pensées vont ouvrir une voie pour les démocraties modernes en mettant fin à l’Ancien Régime. Les révolutions sont alors en marche.
La révolution américaine consacre la République en mettant un terme à la monarchie. La Constitution de 1787 établit les grandes lignes de la démocratie représentative. Cette nouvelle société basée sur un système égalitaire deviendra un modèle en Europe, et surtout en France. C’est ainsi que la Révolution française va permettre l’édiction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, jetant de cette manière les bases démocratiques que nous connaissons aujourd’hui.
La démocratie s’est ainsi installée jusqu’à nos jours. Elle s’est adaptée aux critiques et à l’évolution de la société. Les associations se sont ainsi par exemple largement répandues, ce que préconisait Tocqueville pour lutter contre les défauts inhérents à la démocratie. Aussi, la démocratie d’aujourd’hui consacre la diversité, la pluralité d’oppositions et la liberté d’expression. Enfin, les communes intègrent également des éléments de démocratie participative, en donnant aux citoyens la possibilité de s’exprimer d’avantage. Néanmoins, si le 20e siècle fut marqué par un réel enracinement de la démocratie dans nos sociétés, il fut également imprégné d’un refus de celle-ci.
Critiques de la démocratie
« La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres » Churchill.
Les philosophes grecs les plus célèbres ont toujours considéré que la démocratie faisait parti des régimes à proscrire. Socrate disait déjà que la démocratie pouvait entrainer certaines dérives démagogiques, alors que son ancien élève, Platon, évoquait un régime de la « bêtise humaine », basé sur la convoitise, et qui ne repose pas sur la sagesse de ses représentants, mais sur la plus ou moins grande séduction que ces derniers parviennent à établir sur le peuple. Aristote suivra cette lignée en considérant qu’une société constitué d’un excès d’égalité est mauvaise. Mais d’autres penseurs tels qu’Aristophane dans ses pièces de théâtre critiqueront également la démocratie en évoquant les dérives auxquelles elle peut conduire.
Les critiques relatives à la démocratie vont s’intensifier avec l’arrivée des révolutions. Elles viendront aussi bien de la droite que de la gauche dès la révolution française. Selon Edmund Burke, les droits de l’homme consacrés en 1789 ne sont qu’une imposture, une perversion de l’esprit ; ces droits ne s’exercent pas véritablement et c’est dans ce cadre que la démocratie deviendra la dictature d’une petite minorité. Il considère que ces droits sont trop abstraits, et remet ainsi en cause toute la philosophie des Lumières qu’il trouve antinaturelle. Il prédit en conséquence la dérive dictatoriale de la Révolution française.
Par la suite, les critiques perdurent. On peut citer les anarchistes, qui ne considèrent comme seule véritable démocratie que celle qui serait directe, et refusent ainsi l’appareil de pouvoir. Les marxistes quant à eux dénoncent la démocratie dite bourgeoise, qui selon eux n’a que l’apparence d’une égalité ; ils mettent ainsi en avant la nécessité d’une appropriation collective de l’économie pour faire coïncider les principes abstraitement consacrés avec la réalité.
Tocqueville écrit en 1840 De la démocratie en Amérique, dans lequel il livre une critique importante de la démocratie. Inspiré par Platon, Tocqueville considère que la démocratie contient en elle-même le germe d’une tyrannie. Elle contient d’une part la liberté des individus, d’autre par l’égalité de ceux-ci ; il évoque ainsi l’obsession de l’égalité entre les hommes. C’est cette obsession qui va conduire à limiter les libertés ; le système est ainsi corrompu par lui-même car il ne peut plus assurer les garanties dont les hommes bénéficient normalement dans ce régime. L’Etat doit également être suffisamment fort pour assurer les garanties offertes par la démocratie. Il prend ainsi des décisions dans l’intérêt général sans toutefois consulter le peuple. De cette façon, l’Etat qui devrait être bienveillant devient despotique en ce sens qu’il infantilise les citoyens en les surprotégeant. Enfin, la souveraineté du peuple n’est pas infaillible ; même adoptée à la majorité, la loi peut être injuste. En effet, l’opinion publique s’impose alors aux individus, qui doivent protéger les minorités car « la foi dans l’opinion publique deviendra une sorte de religion dont la majorité est le prophète ».