De 1500 à 1800

A la Renaissance, la « révolution copernicienne » amorce une nouvelle ère, celle de la science moderne. C’est une période de remise en cause des sciences anciennes, et notamment celles d’Aristote ou de Galien.

Cette révolution est stimulée par la navigation en pleine mer, l’observation des étoiles ou encore l’apparition des cabinets de curiosités au 16e siècle. Mais elle est surtout galvanisée par le développement des salons scientifiques (ex: Société royale de Londres, société savante dans laquelle évoluent Robert Boyle ou encore Isaac Newton) ou la création des académies des sciences : en France, l’Académie royale des sciences permet aux savants triés sur le volet de se consacrer à leurs études.

Ces liens croissants favorisent le partage d’idées entre savants. Installés au sein des grandes villes italiennes, françaises et anglaises, ces penseurs de plus en plus nombreux échangent une correspondance qui nourrit le savoir.

Ces progrès intellectuels seront diffusés par les revues savantes. Apparues au milieu du 17e siècle, elle diffusent de courts articles contrastant avec les imposants traités d’alors et reposent sur l’évaluation des textes par un comité (c’est la naissance de l’évaluation par les pairs). Elles constitueront un outil privilégié pour connaître les avancées scientifiques.

C'est l'époque où s’opère une rupture entre la science, la philosophie et la religion. En 1633, le procès de Galilée est révélateur : l’homme a prouvé par le calcul et l’observation que la Terre n’était pas le centre du monde. Puis, à la suite de Kepler, les savants œuvreront peu à peu de façon autonome par rapport aux croyances. Alors que clers et humanistes s’en tenaient à la description des phénomènes, c’est désormais l’expérience qui devra soutenir toute théorie. L’on entend moins contempler qu’agir, essayer et reproduire.

Francis Bacon (1561-1626) proposait dans son Novum Organum de remettre en cause la méthode de pensée scolastique (issue de la logique définie par l’Organon d’Aristote) : la connaissance devrai désormais se fonder sur l’expérimentation systématique et l’observation empirique.

Ainsi, le 18e siècle sera celui des expériences et des inventions, qui atteindront peu à peu le grand public grâce à leur caractère parfois spectaculaire (ex: vols en ballon, automates, etc.). En outre, ces évolutions marquent l’élan vers l’avant : les savants ne sont plus tournés vers les Anciens, mais cherchent à les dépsser, à avancer vers de nouveaux progrès scientifiques.

En comprenant que la Nature suit des lois physiques que l’on ne relie plus au divin, les savants de l’époque amorcent le mouvement vers l’athéisme. Désormais, le monde n’est plus entouré de mystère, mais éclairé par la rationnalité, qui entend tout expliquer par des éléments logiques. La science diffuse ses principes et s’impose avec le matérialisme, qui se renforce sous l’influence de certains savants.

La pensée grecque considérait la réalité sensible comme le fruit de multiples combinaisons de particules élémentaires (mécanisme atomistique). Elle amorcera le matérialisme, une doctrine philosophique qui s’appuie sur la théorie corpusculaire et la généralise. Ainsi l’on évacue toute causalité transcendante ou divinité, cherchant à éliminer tout mystère.

A la suite de l’atomisme antique, Newton considère que la matière est constituée de grains de matière possédant une force interne qui assure leur cohésion. Cette idée de dynamisme interne se retrouve aussi chez Descartes qui propose une doctrine « mécaniste » pour expliquer la création du monde: une fois avoir créé une « quantité de mouvement » constante et ainsi animé la matière, Dieu aurait laissé les « lois de la nature » agir par elles-mêmes (ex: la « première loi de la nature » est le principe d’inertie). Une fois créé, le mouvement ne fait plus que se transmettre par contact d’un corpuscule à un autre (loi de la « rencontre des corps », de transfert de mouvement). Les phénomènes observables s’expliquent donc par des causes mécaniques, non par des causes externes ou une âme motrice (comme le pensait Kepler). Dieu crée seulement le mouvement et pose le socle des des lois intelligibles de la nature.

Cette « révolution mécaniste », qui apporte une rationalité nouvelle en expliquant tout phénomène naturel par les lois des mouvements matériels (la matière étant sans âme et sans vie), a lieu au 17e siècle.

C’est ainsi qu’au 18e siècle, l’on admettra les hypothèses atomistes et mécanistes, qui seront à l’origine de la connaissance expérimentale. Les nouveaux instruments permettront de faire de multiples découvertes, à l’image du microscope, apparu au 17e siècle. Celui-ci permettra de vérifier de manière expérimentale la véracité de l’idée d’un monde corpusculaire.

Newton fabrique le premier télescope en 1668, ce qui lui permettra, non de regarder le ciel (comme avec les lunettes), mais d’en regarder une image reconstituée, mais aussi d’effectuer des observations plus lointaines. Puis, Galilée comprendra qu’en inversant le procédé du télescope, il peut voir les détails de minuscules objets; ainsi naît le microscope, développé par Robert Hooke.

En effet, les nouveaux outils rendent visibles des choses inaccessibles à l’œil nu. Ils ouvrent également la voie à la quantification de certaines sensations (ex: température). Ainsi naissent le baromètre (un tube de verre rempli d’une colonne de mercure, dont l’équilibre dépend du poids de l’air au-dessus de l’appareil et qui diminue lorsqu’on se place par exemple sur une montagne, le poids de l’air diminuant), l’hygromètre ou encore le thermoscope.

Ces instruments se répandent et se standardisent. Ils intègrent ainsi les universités ainsi que les cabinets de sciences ou de physique.

Chimie

Les Sumériens fabriquaient déjà du parfum et produisaient des médicaments à partir de plantes. Ces pratiques se retrouveront peu ou prou chez les alchimistes, une discipline qui prend son essor entre le 1er et le 7e siècle dans l’Égypte gréco-romaine, avant de se répandre dans le monde arabe.

L’alchimie fera l’objet d’analyse approfondies seulement à partir du 15e siècle, époque à laquelle on se penche sur les écrits anciens, à l’instar de Démocrite, premier à documenter l’alchimie.

Outre l’invention de certains instruments (ex: l’alambic), qui permettent aux alchimistes de mener à bien leurs opérations (distillation, dissolution, décantation, etc.), ces savants de l’époque parviennent à nombre de réalisations : teinture des textiles grâce aux matières végétales ou animales, enrichissement de certains métaux pour les rendre plus résistants, création d’alliages, de peintures, de cosmétiques, etc. Parmi eux, Paracelse entend fabriquer des médicaments à partir de minéraux (c’est l’iatrochimie) et met au point, au 16e siècle, le laudanum, un mélange d’opium, d’alcool et de safran.

L’idée centrale de ceux qui redécouvrent les écrits des anciens alchimistes est de retrouver le moyen de transformer les métaux communs en or, un secret qui s’est perdu. Pour cela, ils cherchent à trouver les bonnes combinaisons des quatre éléments (terre/air/eau/feu), théorie élaborée par Empédocle d’Agrigente (494-430) et qu’Aristote reprendra, considérant ces éléments comme différentes formes de la matière universelle.

Dans ce cadre, les alchimistes élaborent nombre de théories explicatives du monde naturel, estimant qu’il existe une harmonie entre l’univers (macrocosme) et ses éléments (microcosme). De cette conception découlent des liens effectués entre les éléments (ex: le souffre et l’or sont associés au soleil ; l’argent est lié à la Lune).

Mais encore à l’époque, science et sorcellerie ne sont pas distinctes. Le scientifique, en se rendant maître des lois naturelles qu’il ignore (et qu’il revient seulement à Dieu de maîtriser), est identifié à satan, celui-ci ne pouvant que mimer gauchement l’œuvre divine.

Mathématiques

A la fin du 16e siècle, l’algèbre moderne apparaît avec l’utilisation de lettres (a, 4d, etc.) pour désigner des grandeurs (ex: surfaces), ce qui ouvre la voie à l’abstraction.

Au siècle suivant, les variables sont introduites, tout comme la notion de fonction, qui permet d’établir une relation entre une valeur initiale variable et une valeur finale dépendante de la première. Aussi, Fermat et Pascal inventent la calcul des probabilités (qui donnera le «pari» de Pascal).

Les mathématiques évoluent grâce à de nouveaux outils tels que le développement de l’algèbre, la mise au point la première véritable machine à calculer (la «Pascaline») ou encore la géométrie analytique. Créée par Descartes, cette discipline permet de traduire les figures géométriques en expressions algébriques et donc de mettre en relation géométrie et algèbre.

C’est aussi au 17e siècle que Newton et Leibniz impulsent le développement du calcul infinitésimal (de l’infiniment petit) ou calcul différentiel et intégral. Celui-ci permettra les calculs d’optimisation, l’étude des variations, la mesure la vitesse instantanée de variation d’une grandeur, le calcul de surfaces et de volumes irréguliers, etc. Ces avancées auront de nombreuses applications dans les siècles suivants en ingénierie, en chimie ou encore en économie.

Ainsi, au 18e siècle, l’on constatera dans de nombreux domaines (ex: physique) un déclin de la géométrie et de la théorie des proportions au profit du développement de l’algèbre et des équations différentielles pour la formulation des problèmes.

Médecine

La Renaissance est marquée par de cruciale avancées dans le monde de la médecine. En effet, Ambroise Paré, considéré comme le « père de la chirurgie moderne », il parvient notamment à remplacer la cautérisation et ses complications pour soigner les plaies ; cet autodidacte pratique aussi les accouchements, les amputations, confectionne des emplâtres, opère la cataracte, etc. Quant à Paracelse, il utilise la chimie pour la fabrication de drogues.

Mais l’époque est également marquée par les grandes avancées obenues par la pratique des autopsies, pour déterminer les causes de la mort ; Antonio Benivieni sera le premier à les pratiquer. Par ailleurs, Vésale effectue une dissection publique qui permet de rétablir certaines vérités anatomiques. Cela favorisera, au 17e siècle, le développement de la physiologie.

Astronomie

En 1543, Copernic opère une révolution conceptuelle en affirmant que la Terre tourne autour du Soleil. Elle n’est plus qu’une planète comme les autres.

Depuis des siècles, le modèle de Ptolémée se heurtait en effet à des difficultés, que Copernic cherche à résoudre en ne conservant de lui que le système de la sphère des fixes. Il montre que la Terre tourne sur elle-même et que les planètes tournent effectuent une rotation autour du Soleil (c’est l’héliocentrisme). Il ajoute que la Lune est un satellite de la Terre.

Si la “révolution copernicienne” comporte quelques anomalies, elle bouscule cependant la pensée de l’époque, ce système étant incohérent avec ce que l’on imagine alors et constatant que l’homme n’est pas au centre de l’univers. Puis, l’astronomie évolue grâce à l’amélioration des instruments (ex: lunettes), qui permettent à Tycho Brahe, en 1572, de constater la présence d’une nouvelle étoile dans le ciel. Il observe une supernova (explosion d’une étoile) et alors que l’on pense les sphères célestes comme solides, il voit une comète passer dans le ciel ; ses calculs l’amènent alors à conclure qu’elle se déplace au-delà de la Lune, traversant les orbes de Vénus et Mercure.

Pour expliquer ce qu’il voit, Tycho Brahe propose le « système tychonique », dans lequel la Terre est au centre de l’univers, autour de laquelle tournent le Soleil, la Lune, les étoiles et les cinq autres planètes. L’espace est perçu comme homogène, bien qu’enclos dans la sphère céleste.

Galilée observera quant à lui les tâches lunaires. Au 17e siècle, poursuivant la nécessité de lier expérience et raisonnements afin que l’une favorise la compréhension de l’autre, il découvre également le principe d’inertie, qui explique que la Terre tourne sans que l’on s’en rende compte et montre ainsi qu’il n’existe aucun moteur mettant en mouvement les corps célestes. Renforçant l’idée de la rotation de la Terre sur elle-même et autour du Soleil, Galilée défend l’héliocentrisme. Mais l’Église catholique donnant une interprétation littérale des enseignements bibliques, ces nouvelles théories sont incompatibles avec eux. Et même si Galilée suggère une interprétation symbolique des textes sacrés, l’Eglise le condamnera après que l’Inquisition l’eut dénoncé.

Galilée et la lunette astronomique

En 1609, Galilée met au point la lunette astronomique (le télescope), qui permet de mieux connaître le ciel. Il observe en effet que la Lune est un objet solide, composé de vallées et de montagnes, mais aussi que Jupiter a des satellites, que le Soleil tournerait sur lui-même et que Vénus tourne autour de lui (grâce aux phases de Vénus). Ces observations remettent en question l’idée d’un monde céleste figé et donc la vision de Ptolémée.

Si ces théories sont donc novatrices et bouleversent les conceptions de l’époque, l’on considère alors toutefois que le cosmos est fini et que les étoiles sont fixes.

Cette conception sera battue en brèche par l’apparition d’une physique fondée sur le principe d’inertie, qui suggèrera l’homogénéité de l’espace et son caractère potentiellement infini. En effet, selon ce principe, le mouvement à vitesse uniforme n’est plus un processus (ce que considérait Aristote), mais un état, ce qui peut conduire à une mouvement permanent écartant l’idée d’un univers fini. Mais pour avoir affirmé l’infinité du monde, le philosophe Giordano Bruno sera condamné par l’Inquisition.

Cependant, d’importantes découvertes ont encore lieu. Ainsi, dans le droit fil de William Gilbert (De Magnete, 1600), Kepler reprend l’idée que la Terre est un vaste aimant sphérique. Le Soleil en étant un également, il la fait tourner, à l’instar des autres planètes. En outre, il considère que le mouvement des planètes autour du Soleil est elliptique et non circulaire (car il constate un écart entre la théorie et ce qui est observé). Cherchant à mettre à jour les lois mathématiques qui gouvernent le cosmos, il évoque l’idée de sa rationalité par l’harmonie des nombres, mais aussi par des principes géométrique et astrologique. Kepler invente ainsi des lois cinématiques qui décrivent le mouvement des planètes autour du Soleil, et donc celui de tous corps en orbite autour d’un autre.

Les lois de Kepler Pour expliquer le mouvement des planètes, Kepler invente des lois cinématiques, découvrant que les planètes décrivent des trajectoires elliptiques autour de l’un des foyers (le Soleil) (première loi de Kepler), que la vitesse de rotation des planètes répond à une loi qui les conduit à balayer des aires égales pendant des intervalles de temps égaux lors de leur rotation autour du Soleil (deuxième loi) et que le carré de la période de rotation annuelle (T) est proportionnel au cube de la distance moyenne au Soleil (R), selon l’équation T2/R3 = Constante (troisième loi).

L’idée d’harmonie mathématique du monde était déjà présente dans le néoplatonisme et le pythagorisme de la mystique des nombres. C’est dans le droit fil de cette harmonie céleste que s’inscrit Kepler, qui propose une « physique céleste », considérant les corps célestes comme d’immenses objets de différentes densités. Il évoque l’idée de forces expliquant le mouvement des planètes : ces forces agissent à distance, à l’image de la Lune, qui influe sur les marées. Celles-ci sont en effet dues à l’attraction de la Lune.

Newton ira plus loin, combinant les approches de Galilée (étude de la chute des corps) et celles de Kepler (trajectoire elliptique des planètes) : le mouvement de rotation d’une planète autour du Soleil résulte de sa tendance à «tomber» sur lui. A la fin de sa vie, le savant racontera que c’est en voyant tomber une pomme qu’il a compris que la Lune tombait elle aussi. L’attraction d’un corps vers un autre s’applique à la Terre autant qu’aux autres corps : c’est la théorie de la gravitation universelle. La loi d’attraction gravitationnelle s’exerce en effet mutuellement entre tous les objets matériels.

Newton formule la loi fondamentale de tout mouvement soumis à une force, démontrant que la force est proportionnelle à l’accélération, elle-même inversement proportionnelle à la masse (mesure de l’inertie). Ces lois du mouvement reposent ainsi sur l’accélération, qui est modification de la vitesse. Elles permettent d’expliquer tout mouvement matériel à partir de la loi de force. Dans le cas de la gravitation, elles permettent d’expliquer le mouvement des planètes et donc la cause et la dynamique des lois de Kepler. Ce nouveau paradigme résoud en outre les problèmes liés au modèle de Copernic.
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