Mise à jour : October 2024

Iran

Héritier de l’empire perse, l’Iran est un pays chiite, contrairement à ses voisins arabes, majoritairement dirigés par des sunnites. Sa population de 77 millions d’habitants se compose à 70% de citadins et bénéficie d’une classe moyenne éduquée. Pays influent dans la région, notamment car il dispose de la première réserve de gaz naturel et de la quatrième réserve mondiale de pétrole, l’Iran est sorti de son isolement diplomatique après l’accord conclu sur le nucléaire avec les Etats-Unis en 2015. Mais son ultérieure remise en question a provoqué de nouvelles tensions avec l’Occident.

Bref historique

L’histoire de l’Iran a été marquée par de nombreuses civilisations. Le territoire a en effet longtemps été placé sous l’autorité de plusieurs Empires (empire sassanide, etc.). Ce n’est qu’avec la conquête arabo-musulmane de la Perse que la région est entrée dans une nouvelle ère: l’ère islamique. Celle-ci a perduré durant des siècles, sous une autorité monarchique. Mais au 20e siècle, le pays va connaître de nombreux bouleversements, à commencer par le partage du territoire perse en différentes zones d’influence en 1907. Puis, le royaume de Perse sera rebaptisé Iran en 1934, après la décolonisation. L’année suivante, le shah interdira aux femmes le port du voile et imposera aux hommes de s’habiller « à l’occidentale ». Le pays sera dès lors soumis à l’économie occidentale.

Ainsi, lorsqu’au début des années 1950, l’Iran nationalise l’industrie pétrolière et que Mohammad Mossadegh devient premier ministre, ce dernier est renversé par un coup d’Etat militaire soutenu par le shah et par la CIA. Par la suite, en dépit de l’hostilité populaire à l’égard des Américains, le régime du Shah d’Iran sera soutenu par les Etats-Unis, menant une politique pro-occidentale et pro-israélienne. C’est dans ce contexte que dans les années 1970, alors que le régime du Shah mène une politique pro-occidentale et pro-israélienne, la révolution islamique de 1979 portée par l’ayatollah Khomeiny renverse le Shah et son système monarchique. Craignant une contagion révolutionnaire, les pays voisins contre-attaquent : l’Irak entre alors en guerre contre l’Iran de 1980 à 1988 pour lutter contre la menace perse et chiite.

La révolution islamique aura également des conséquences sur les puissances occidentales, avec lesquelles l’Iran entretiendra des relations difficiles dans les décennies suivantes.

Politique intérieure

Le régime théocratique de l’Iran donne aux mollahs un pouvoir important en matière de respect des principes religieux au sein de la société (port du voile par les femmes, etc.). Au sommet de ce régime, le président iranien joue donc le rôle d’un premier ministre, l’autorité supérieure revenant au Guide suprême de la révolution, Ali Khamenei.

Le président de la République est la deuxième personnalité du pays après le Guide, qui est le véritable chef de l’Etat. Le Guide a ainsi joué un rôle crucial dans la politique du pays, en soutenant Mahmoud Ahmadinejad dans sa confrontation avec l’Occident, puis en décidant de la reprise des négociations bilatérales secrètes avec les Etats-Unis dès 2011. Aujourd’hui encore, le Guide suprême oriente la politique et contrôle l’armée autant que les médias. De son côté, le président est le chef du gouvernement : il nomme et révoque les ministres, préside le Conseil. Il est responsable envers le Guide, la nation et le Parlement. Il n’est pas le chef des armées, une fonction qui revient au Guide.

Ce dernier a été désigné après la mort de l’ayatollah Khomeiny par une Assemblée de mollahs, au pouvoir réputé issu de Dieu ; l’Assemblée approuve également l’élection d’un Parlement et d’un président de la République élu au suffrage universel direct pour un mandat de 4 ans. Ce système politique a été contesté à plusieurs reprises par la population : en 1997, le peuple iranien s’est soulevé. Puis, il s’est massivement élevé, en 2009, contre le régime de Mahmoud Ahmadinedjad. Mais l’arrivée au pouvoir du président Hassan Rohani, religieux modéré élu en 2013 (puis réélu en 2017) apaisait la situation, celui-ci cherchant à réconcilier le régime avec ses opposants. Mais lors de son mandat, certaines voix ont dénoncé l’augmentation de la répression à l’encontre des défenseurs des droits humains (ex: répression meurtrière fin 2019, après un vif soulèvement contre le régime).

La société iranienne est également confrontée à de nombreuses oppositions internes, notamment portées par les jeunes, qui manifestent pour leurs libertés, mais aussi par les Moudjahidin du peuple iranien, qui luttent contre les ayatollahs, ou encore par la diaspora iranienne. Les opposants au régime dénoncent sa brutale et violente répression et la réduction des espaces de liberté (notamment d’expression). La police des mœurs s’est en effet renforcée ces dernières années, menant des arrestations massives sur la voie publique (femmes arrêtées pour un port de voile non règlementaire, hommes arrêtés pour des pantalons trop courts ou des tatouages).

Les mouvements de contestation populaire trouvent notamment leurs origines dans la situation économique du pays. L’Iran est en effet confronté aux effets des sanctions imposées par la communauté internationale en raison de son programme nucléaire. Aussi demeure-t-il en proie à d’importantes difficultés économiques et sociales (inflation, pauvreté ou encore chômage d’environ 20%). Et si l’accord signé en 2015 par les Etats-Unis et l’Union européenne a brièvement levé les sanctions, celles-ci ont été rétablies en 2018. Durant les quatre années qui suivent, l’inflation croît alors de 40% sous l’influence des sanctions américaines ; elle s’installera durablement (inflation alimentaire atteignait 50% en 2024), favorisée par l’effondrement de la monnaie et la forte demande en produits importés.

Après des années d’embargo sur son pétrole, l’Iran peine en effet à sortir de cette situation économique et à se développer. L’intégration même de l’Iran au système international fondé sur le libéralisme économique semble complexe après des décennies de sanctions.

Relations extérieures

Depuis la révolution islamique de 1979, les relations entre l’Iran, ses voisins, et les puissances occidentales ont considérablement évolué. En cherchant à devenir un leader régional et en développant son programme nucléaire, le pays s’était fortement isolé. Puis, l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 a changé la donne en réintégrant durant un temps l’Iran à la communauté internationale. Cependant, de nouveaux différends sont apparus, replaçant l’Iran dans une forme d’isolement à l’égard de l’Occident.

La question nucléaire

Signataire du traité de non-prolifération, l’Iran fait partie des Etats non autorisés à posséder l’arme nucléaire. Sa production d’uranium enrichi et ses essais nucléaires ont donc provoqué de vives tensions avec l’Occident.

Le dossier nucléaire iranien avait débuté en 2002, par la découverte de sites nucléaires non déclarés. Ce n’est qu’en 2006 que les premières sanctions de l’ONU ont cependant été imposées à l’Iran. Durant les années qui ont suivi, les pays occidentaux ont tenté d’inciter l’Iran à renoncer à l’acquisition de la bombe atomique, tandis que le gouvernement iranien considérait qu’à l’instar de l’Inde ou du Pakistan, le pays devait pouvoir accéder à la puissance nucléaire, affirmant qu’il s’agit d’un programme civil. Ce bras de fer engagé avec les Occidentaux (qui n’ont pas mené le même combat contre l’acquisition de l’arme nucléaire par le Pakistan, Israël ou encore l’Inde) a ainsi perduré.

Cependant, des négociations ont été menées pour restaurer le dialogue entre les grandes puissances occidentales et l’Iran dans les années 2010. Finalement, en 2015, un accord était trouvé : il prévoyait une limitation de l’enrichissement d’uranium, le renforcement des inspections internationales et la levée des sanctions. Cet accord permettait ainsi à l’Iran d’échapper aux sanctions occidentales en échange de la limitation de son programme atomique.

Cet accord de Vienne, conclu avec nombre d’Etats (Chine, Russie, Allemagne, etc.) et par lequel l’Iran acceptait de renoncer au nucléaire militaire, a rendu fréquentable la République islamique en Europe et en Asie. Mais l’accord n’a finalement pas ouvert la voie à une levée des sanctions américaines, et en 2018, le retrait unilatéral de l’accord par les Etats-Unis s’accompagnait au contraire du rétablissement de lourdes sanctions. En riposte, l’Iran est revenu sur ses propres engagements, s’affranchissant de nombre de ses obligations, qui devaient garantir le caractère civil de son programme nucléaire.

L’influence régionale

Dans les années 1990, l’ayatollah Rafsandjani avait mis en place une politique accordant la priorité aux relations de bon voisinage, non aux ambitions idéologiques du pays. Mais dans un Moyen-Orient majoritairement sunnite, l’Iran a peu à peu tissé un réseau d’alliances rassemblant nations et groupes politico-militaires créés par l’Iran ou préexistants (ex: Houthis au Yémen). Cet «axe de la résistance» rassemble essentiellement des chiites (à l’exception du Hamas ou du Jdihad islamique palestinien, sunnites), qui partagent une vision stratégique commune à l’Iran. S’érigeant en défenseur des communautés chiites, le pays finance et arme ces acteurs non-étatiques au Liban (Hezbollah), en Syrie, en Irak, en Palestine et au Yémen.

La stratégie iranienne est née dans les années 1980, construite grâce aux gardiens de la révolution (corps d’élite distinct de l’armée régulière), puis à la Force Al-Qods (sa branche chargée des opérations extérieures). Elle visait à protéger le régime du Guide suprême en coordonnant et en appuyant l’action de milices au Moyen-Orient, comme le Hezbollah libanais ou l’organisation Badr irakienne, des relais locaux bénéficiant d’un ancrage politique et culturel dans leur propre pays. Le réseau paramilitaire iranien va gagner en importance après l’invasion à partir des années 2000. Lorsque les Etats-Unis débutent leur «guerre contre la terreur» et ciblent des «Etats voyous», à commencer par l’Iran, ce dernier répond en intensifiant sa guerre par procuration. La guerre en Irak conduira à la mobilisation d’exilés chiites irakiens et afghans qui formeront les premiers paramilitaires de «l’axe de la résistance», qui s’étendra rapidement au Liban, puis en Syrie et au Yémen. Ces relais d’influence connaîtront des succès en Syrie et en Irak face à l’Etat islamique, mais aussi au Yémen, contre l’Arabie saoudite.

Cette stratégie d’influence est un moyen pour l’Iran de s’imposer comme une grande puissance du Moyen-Orient, se considérant comme garant de la paix et de la stabilité régionale et jugeant que sa puissance ne sera utilisée que contre les puissances oppressives. L’Iran est en effet un empire nationaliste qui cherche à défendre son territoire et qui n’a jamais conquis de territoires extérieurs.

Les «proxys» iraniens ont notamment œuvré en Irak et en Syrie (ex: brigade Abu al-Fadl al-Abbas). A partir des années 2010, l’Iran a ainsi soutenu militairement le régime syrien de Bachar Al-Assad aux côtés du Hezbollah libanais, ainsi que les miliciens rebelles houthistes (issus d’une branche chiite) qui ont renversé le président yéménite soutenu par l’Arabie saoudite. Le pays a également pris part à la guerre en Irak, fournissant un appui militaire au gouvernement chiite de Bagdad pour combattre l’Etat islamique (EI).

L'Iran a renforcé ses liens avec l'Irak, la Syrie, mais aussi avec le royaume sunnite d’Arabie saoudite, avec lequel les relations diplomatiques ont été rétablies en 2023. Aussi, la République islamique a rejoint en 2023 l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui doit permettre au pays de contrebalancer l’influence américaine et de s’ouvrir à un potentiel marché.

Les relations avec l’Occident

L’Iran a longtemps été considéré comme un ennemi pour l’Occident. En effet, la révolution islamique et l’éviction du shah d’Iran, allié des Occidentaux, puis la prise d’assaut de l’ambassade américaine à Téhéran, avaient conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et l’Iran. Ces relations sont restées difficiles, malgré certaines tentatives d’apaisement. En effet, dans les années 2000, le président Mahmoud Ahmadinejad a lutté contre l’impérialisme occidental et œuvré au renforcement de la religion musulmane, notamment en s’opposant à Israël et en défendant le peuple palestinien. La situation a évolué après l’arrivée au pouvoir du président Rohani, qui marquait l’avancée des modérés en Iran et la multiplication des ouvertures en faveur de l’Occident.

Mais l’Amérique de Donald Trump n’aura ensuite de cesse, surtout après sa sortie de l’accord nucléaire en 2018, d’accroître la pression sur l’Iran afin de l’amener à de nouvelles négociations. En outre, les tensions avec l'Etat hébreu n'ont fait que renforcer les pressions occidentales sur l'Iran.

Ces pressions exercées sur l’Iran s’expliquent par le rôle central que le pays joue dans les conflits au Moyen-Orient. Il est en effet considéré comme une menace pour les Etats-Unis, notamment en raison de ses “proxys” aux Proche et Moyen-Orient, qui renforcent son influence dans les conflits qui s’y jouent. De plus, son poids important dans le secteur du pétrole en font un acteur incontournable dont les ambitions se heurtent à celles de l’Occident.