Mise à jour : October 2024

Inde

Après un essor économique fulgurant au début des années 2000, l’Inde est devenue l’une des principales puissances économiques du monde. Cette puissance clé du “Sud global”, pays fondateur des BRICS, fait néanmoins face à un certain ralentissement de son économie depuis quelques années ainsi qu’à une pauvreté endémique, qui n’est toutefois pas nouvelle; le chômage y est en effet un problème structurel en raison de la faiblesse de l’outil industriel.

Bref historique

L’Inde, placée sous domination britannique dès le 18e siècle, a accédé à l’indépendance en 1947, sous l’impulsion du nationalisme indien, né au 19e siècle et popularisé par Gandhi.

La colonisation britannique de l’Inde a formellement débuté en 1757 et été facilitée par l’East India Company, qui a joué un rôle déterminant dans la colonisation de l’Inde. L’objectif purement commercial de la compagnie s’est en effet transformé : avec sa politique d’expansion, une grande partie du sous-continent s’est trouvée directement ou indirectement sous sa tutelle au 19e siècle. Cette situation a été remise en cause en 1857, lorsqu’éclate ce qui est considéré comme la première guerre d’indépendance indienne. C’est dans ce contexte que le parti du Congrès sera fondé en 1885, par des notables et des intellectuels. Son dirigeant, Gandhi, gagnera en notoriété grâce à l’originalité de ses différentes actions de désobéissance civile («Marche du sel», exercices de jeûne). Leur cause sera désormais entendue et ces actions finiront par conduire à la partition du pays. En quelques semaines, celui-ci est divisé en deux ensembles : une Inde multiconfessionnelle à majorité hindoue et un État musulman, le Pakistan.

Le Premier ministre Nehru enracinera alors la démocratie parlementaire dans le pays et redessinera la carte de l’Inde en se fondant sur des critères linguistiques afin d’éviter les revendications identitaires. Son influence sera telle qu’il deviendra le moteur du Mouvement des non-alignés.

A la même époque, l’Inde s’affirme contre la puissance américaine : un traité d’amitié indo-soviétique est signé en 1971 alors que dans le même temps, le Pakistan s’allie avec les Occidentaux. Ainsi, durant la guerre froide, les essais nucléaires de l’Inde ont été vivement réprimés par les Etats-Unis, mais ont permis au pays d’acquérir une réelle importance politique à l’échelle internationale.

Parallèlement, l’économie de l’Inde va toutefois longtemps stagner, restant contrainte par une bureaucratie et un protectionnisme rigides. Puis, dans les années 1990, une nouvelle politique économique libérale va s’imposer et réellement moderniser l’économie du pays. Mais cela n’éradiquera pas la pauvreté, qui constituait déjà un problème de taille lors de la proclamation de l’indépendance du pays. Cependant, cette figure emblématique du Tiers-monde gagnera progressivement en autonomie et en importance sur la scène internationale.

Population

Pays le plus peuplé au monde depuis 2023 (1,4 milliard d’habitants), l’Inde abrite de multiples cultures, dans un monde indien à la fois métissé et nourri de nombreux particularismes. Aux côtés des 80% d’hindous vivent 200 millions de musulmans, le pays accueillant ainsi la troisième communauté musulmane au monde. A cela s’ajoutent 27 millions de chrétiens (surtout installés au Sud), des Sikhs (environ 16 millions de personnes concentrées au Nord) et d’autres religions minoritaires (bouddhisme, jaïnisme, etc.).

Cette diversité religieuse a souvent été exploitée politiquement, notamment par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), qui a attisé les rivalités entre hindous et musulmans pour accéder au pouvoir. La multiplicité des religions a également provoqué des explosions de violence entre communautés (émeutes entre hindous et musulmans), qui ont notamment conduit à la destruction de la mosquée d’Ayodhya en 1992. De même, les révoltes des Sikhs ont provoqué de graves violences dans les années 1970-1980 (dont l’assassinat du Premier ministre Indira Gandhi) dans le but d’obtenir la création d’un Etat sikh. Ces rivalités se sont néanmoins apaisées après l’accession de Manmohan Singh, de religion Sikh, au poste de Premier ministre en 2004.

Le caractère plurireligieux de l’Inde est géré par la politique de laïcité du pays (secularism), qui conduit à traiter avec une même bienveillance chaque religion. De même, bien que l’hindi soit la langue officielle de l’Inde (45 % des Indiens parlent hindi), les autres langues majeures sont devenues « langues nationales », le pays comptant 122 langues principales. Aussi, un système de quotas avait été créé après l’indépendance pour favoriser les intouchables et basses castes, victimes de discriminations depuis des siècles.

Les castes sont issues des Lois de Manu, un texte fondateur de l’hindouisme qui avance que l’Être suprême a créé les hommes à partir de son corps. Ainsi, de sa bouche sont nées les brahmanes (classe élitiste des prêtres), de son bras, les kshatriya (guerriers, seigneurs qui aujourd’hui travaillent dans l’armée, la police), de sa cuisse, les vaishyas (commerçants, agriculteurs) et de son pied, les shudras (serviteurs). A cela s’ajoutent les hors castes, les intouchables ou dalits («opprimés»). Ce système de castes est moins rigide qu’autrefois (le président indien Ram Nath Kovin était un “intouchable”) mais perdure malgré tout (beaucoup se maintiennent dans leur statut social d’origine et il y a très peu de mariages inter-castes). La Constitution indienne de 1950 en effet n’abolissait pas les castes, seulement la discrimination par la caste afin que les castes inférieures bénéficient d’avantages (discrimination positive).

Politique intérieure

République parlementaire fédérale composée de 28 Etats, l’Inde a longtemps majoritairement soutenu le parti du Congrès, un mouvement reconnu pour sa lutte en faveur de l’indépendance de l’Inde. Défenseur de la démocratie et de la laïcité, ce parti est en effet parvenu à maintenir une certaine unité au sein du pays malgré sa grande diversité. Cependant, ce mouvement politique a commencé à être perçu comme la cause de la perpétuation du modèle dynastique. Cette prise de conscience a conduit à la montée en puissance progressive des mouvements politiques régionaux. C’est ainsi qu’aux côtés des deux principaux partis, le Bharatiya Janata Party (BJP) et le Congrès, les petits partis comme l’AAP ont commencé à faire entendre leur voix dans les années 2010. Le nationalisme hindou s’est alors doublé d’un national-populisme que commence à incarner Narendra Modi, dirigeant du parti hindouiste BJP.

Situation économique

L’Inde bénéficie d’une croissance de 6-7% par an ces dernières années, un chiffre qui surpasse la performance de la Chine depuis plusieurs années. Si en revanche Pékin représente 50% du PIB de la région asiatique (contre 10% du PIB pour l’Inde), le pays est devenu l’une des plus grandes économies mondiales, ce qui lui a permis d’acquérir une véritable puissance à l’échelle internationale.

La puissance économique indienne s’est construite à partir de la philosophie politique indienne fondée sur la multipolarité et l’autosuffisance (Atmanirbhar Bharat, ou Inde autosuffisante). Aussi l’Inde a-t-elle investi dans ses infrastructures stratégiques, modernisé et diversifié ses secteurs-clés, passant d’une économie essentiellement agraire à une puissance industrielle et technologique majeure.

Situation sociale

La prospérité économique de l’Inde n’a pas mis un terme aux fortes inégalités qui demeurent dans le pays. Les fruits de la croissance sont en effet très inégalement répartis au sein de la population: les 1 % des Indiens les plus riches concentrent 40 % des richesses. En quelques années en effet, le nombre de milliardaires a triplé tandis que les revenus de la population majoritaire ont stagné.

Malgré de nombreuses initiatives politiques, le pays ne parvient pas à enrayer la sous-alimentation chronique de sa population. Malgré une urbanisation croissante, l’Inde reste massivement rurale et pauvre. Les trois quarts des foyers vivent dans les campagnes malgré l’explosion démographique des mégapoles. La plupart ne bénéficient ni de protection sociale ni du droit du travail.

Relations extérieures

Grâce à son influence économique, l’Inde, le «bureau du monde», a acquis un poids croissant sur la scène internationale, bien que le pays ne soit pas parvenu à devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Si l’Inde attend une réelle reconnaissance internationale, déjà le pays s’affirme dans les domaines du cyberespace, du numérique, mais aussi de l’espace: sur fond de rivalité sino-indienne, l’Inde est devenue un acteur spatial de premier rang et entend s’ériger en véritable acteur du marché (satellite indien en orbite de Mars, pose d’une sonde à la surface de la Lune en 2023). Le pays a également accru sa puissance militaire en augmentant ses dépenses dans le secteur (premier porte-avion en 2022). Le pays est en outre détenteur de l’arme nucléaire et bénéficie d’un poids démographique conséquent qui contribue à sa puissance. Ses services de renseignements indiens apparaissent également de plus en plus efficaces.

Ni aligné aux puissances du Sud ni au bloc occidental, le pays mène une approche équilibrée qui lui permet de conserver son autonomie tout en maximisant ses avantages économiques ou géopolitiques. Il est ainsi devenu un interlocuteur majeur des grandes puissances mondiales.

Sa posture «multi-alignée» (anciennement «non-alignée») lui permet de diversifier ses partenariats internationaux pour mieux construire son autonomie stratégique. L’Inde multiplie donc les alliances qui lui offrent une meilleure reconnaissance internationale: BRICS, Organisation de Coopération de Shanghai menée par la Chine, rapprochement des Etats-Unis et de ses alliés via le QUAD, activités à l’OMC, association à l’ASEAN, etc.