Mise à jour : September 2014

L'Etat islamique

Après avoir instauré un califat, l’Etat islamique s’est progressivement imposé comme la principale force djihadiste mondiale. Face à cette montée en puissance, de nombreux Etats pourraient se rassembler pour former une coalition internationale contre le mouvement djihadiste.

Quelles sont les origines du conflit ?

Le conflit qui sévit en Irak et en Syrie est né de l’avancée d’un groupe islamiste radical, l’Etat islamique. Ce mouvement, né de l’intervention antiaméricain en Irak en 2003, a rassemblé autour de lui un nombre croissant de combattants qui lui ont permis d’étendre son terrain d’influence.

En 2003, l’intervention américaine en Irak écartait les sunnites, qui détenaient le pouvoir sous Saddam Hussein. Marginalisés et victimes de violence, les sunnites se sont alors élevés contre le nouveau régime chiite.

Son fondateur, Abou Bakr Al-Baghadi, est considéré comme le nouveau Ben Laden ; arrivé en Irak en 2003, il avait dès lors fondé Al-Qaida en Mésopotamie, luttant contre l’occupant américain. De nombreux combattants étrangers rejoignaient alors ses troupes. Le mouvement devient l’Etat islamique en Irak avant d’être marginalisé et de se replier finalement en Syrie en 2011. Il devient alors l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Le groupement entendait créer un Etat islamique à cheval sur le Liban, la Syrie et l’Irak : le Da’ich. Pour cela, il s’est étendu à différents territoires. Le mouvement a cependant été rejeté en Syrie par les djihadistes syriens du Front Al-Nosra. L’EIIL a alors décidé de revenir en Irak, notamment grâce aux alliances qu’il noue avec des tribus sunnites locales. Et en 2014, le mouvement prenait le contrôle de grandes villes irakiennes (Fallouja, Mossoul).

Fort de cette avancée fulgurante, le mouvement se rebaptise Etat islamique en juin 2014 et instaure un Califat sur les territoires qu’il contrôle, demandant à tous les musulmans de lui obéir.

L’instauration d’un régime politique islamique disparu il a près d’un siècle semblait alors annoncer l’émergence d’une nouvelle forme de djihadiste transnational, et porter un coup au leadership d’Al-Qaida.

Fin 2014, l’Etat islamique a conquis la ville de Derna, en Libye, constituant la première enclave du califat.

Quelles conséquences ?

  • Les Kurdes (15 à 20 % de la population irakienne) possèdent déjà un territoire autonome, le Kurdistan irakien, et l’affaiblissement du pouvoir central pourraient leur permettre d’accélérer leur sécession, tout comme les Kurdes de Syrie. Ces mouvements pourraient avoir pour effet de supprimer les frontières coloniales tracées par les accords Sykes-Picot en 1916, lors du démantèlement de l’Empire ottoman.

    Durant l’été 2014, le président de la région autonome du Kurdistan irakien avait en effet évoqué l’idée d’un référendum sur la partition du pays, qui conduirait à l’indépendance des Kurdes.
  • La Syrie et l’Irak pourraient se voir amputés d’une partie de leurs provinces pétrolières. Le mouvement djihadiste a en effet mené des attaques stratégiques en ciblant le secteur pétrolier (principale raffinerie d’Irak, à Baïji). En réponse à l’avancée de l’EIIL, les Kurdes avaient pris le contrôle de Kirkouk, ville pétrolière. En 2011, cette base stratégique qui repose sur d’immenses gisements était encore occupée par des soldats américains, avant d’être rendue à l’armée irakienne.
    L’Irak est en effet devenu le 2e producteur mondial au sein de l’OPEP, derrière l’Arabie saoudite, et ses ventes de brut représentent plus de 75 % de son PIB. Cependant, les attaques djihadistes n’affectent pas la production et l’exportation de pétrole brut irakien, l’offensive de l’EIIL n’affectant pas certaines zones d’activités stratégiques ; néanmoins, le prix du baril pourrait continuer à augmenter.
  • La constitution d’une opposition chiite a laissé craindre un renouveau des conflits confessionnels entre chiites et sunnites.

    Le mouvement a en effet alimenté la haine entre sunnites et chiites : les sunnites soutiennent l’EIIL tandis que les chiites s’appuient sur des milices pour contrer l’avancée djihadiste.

    L’Irak est ainsi entré dans sa 4e guerre en trente ans : guerre contre l’Iran -1980-1988), guerre contre la coalition internationale (1991), guerre contre les Etats-Unis et le Royaume-Uni (2003). Ce nouveau conflit interroge quant à la responsabilité des Occidentaux dans les interventions militaires, l’Irak en étant l’un des symboles.

Quels moyens ?

Le mouvement islamique s’est progressivement agrandi, bien qu’il compte moins de combattants que l’armée irakienne. Pour conserver son influence, l’EI s’est donc appuyé sur la population, devenue bouclier humain.

L’EIIL rassemble différentes catégories de combattants : anciens officiers baasistes de l’armée de Saddam Hussein, groupes proches de Frères musulmans (Front islamique pour la résistance irakienne…), groupuscules armés sunnites d’influence locale (de tendance baasiste ou islamiste) et chefs de tribus (issus de Conseils militaires révolutionnaires).

L’EIIL bénéficie cependant de meilleurs moyens techniques et financiers qu’Al-Qaida, ce qui explique qu’aucun mouvement islamiste de ce type n’était auparavant parvenu à contrôler un territoire aussi étendu.

L’EI fonctionne selon un modèle en réseau : les combattants sont endoctrinés et formés militairement, chacun était responsabilisé, contrairement à Al-Qaida, qui repose sur un modèle pyramidal.

Parmi les moyens techniques utilisés, les réseaux sociaux. En diffusant des photos prouvant leurs exactions, les djihadistes se livrent à une guerre de l’image qui leur permet de mieux enrôler une population déjà entre leurs mains. L’EI avaient en effet instauré une bureaucratie et assuré la mise en œuvre de politiques sociales (en collectant l’aumône pour la redistribuer aux populations défavorisées) pour s’attirer la faveur des populations.

Le groupe djihadiste avait également fait connaître les règles qui s’appliquaient à Mossoul depuis sa conquête, et notamment les règles relatives au tabac, à l’alcool ou aux cinq prières quotidiennes.

Mais l’EI s’exprime aussi violemment, en appelant régulièrement au meurtre, notamment de citoyens français et américains. Les enlèvements et les prises d’otage se sont multipliées pour exiger l’arrêt des frappes militaires.

Quelles actions ?

Face à la force du mouvement, le gouvernement irakien est incapable de se défendre seul. Il est donc soutenu par de nombreux Etats.

Le gouvernement iranien avait annoncé son intention de lutter contre la violence des djihadistes sunnites et leur radicalisme religieux.

Cette prise de position donne l’occasion à l’Iran de revenir sur la scène diplomatique, mais réveille aussi le traumatisme de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les Iraniens craignent le retour d’une domination sunnite sur Bagdad, et l’invasion de djihadistes sunnites en Iran. Les mesures de sécurité ont donc été renforcées à la frontière avec l’Irak.

La Russie et les Etats-Unis ont également apporté leur soutien aux autorités de Bagdad en lutte contre les djihadistes de l’EI.

Ce conflit a permis à l’Iran et à la Russie de renforcer leur influence et leur présence en Irak, mettant à mal l’influence américaine dans la région. Les Etats-Unis refusent en effet toute intervention en la soumettant à la formation d’un gouvernement d’union nationale en Irak.

Deux ans et demi après leur départ du pays, les Etats-Unis ont décidé d’envoyer des forces militaires en Irak fin juin 2014. Des drones armés de missiles ont alors été envoyés au-dessus de Bagdad et de ses environs et les frappes ont commencé durant l’été.Leur but est d’affaiblir l’organisation sans avoir l’air de servir les intérêts de l’Iran et du régime syrien.

En septembre 2014, un projet de coalition internationale se mettait en place, et obtenait le soutient de l’ONU. Les Etats-Unis s’alliaient ainsi à plusieurs pays arabes, et notamment à l’Arabie saoudite, au Qatar et à l’Egypte. Les Occidentaux ont cependant refusé toute alliance avec le régime syrien. De son côté, malgré ses réticences, la Turquie a décidé de soutenir la coalition, l’avancée djihadisme constituant une menace pour la sécurité du pays.

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