Dissonance cognitive

La dissonance cognitive est un conflit intrapsychique que l'individu peut tenter d'apaiser en agissant différemment.

Dissonance cognitive

Pour se sentir bien, chacun essaie de maintenir un équilibre, une consonance, une harmonie, une congruence entre ses différentes cognitions : connaissances, opinions ou comportements relatifs à soi ou à autrui (théories de l'équilibre cognitif). Or les relations entre les cognitions (éléments de connaissance) peuvent parfois poser problème et induire un malaise psychologique.

Les relations entre les cognitions peuvent être :
  • non pertinentes : je mange un steak / demain je pars en vacances (les deux registres de connaissances sont différents)
  • consistantes : j'ai besoin de repos / demain je pars en vacances (les deux assertions relèvent du même registre et l'une découle de l'autre)
  • inconsistantes : je dois beaucoup travailler pour remplir mes objectifs / demain je pars en vacances (les deux assertions ne relèvent pas d'une suite logique)

Lorsque les cognitions ne s'accordent pas logiquement, qu'elles sont dans une relation d'inconsistance (ex: je n'aime pas le poisson/je mange du poisson) que l'on parle de dissonance. Cette inconsistance entre cognitions crée un état d’inconfort psychologique (auquel s'ajoutent des effets physiologiques indiquant un état émotionnel négatif) que la personne cherchera à réduire. La dissonance agit ainsi comme une impulsion motivante amenant à un changement d'attitude : plus la dissonance a été forte, plus le changement d’attitude sera important.

Cet inconfort serait d'autant plus important qu'un aspect important de soi est atteint (théorie de la consistance de soi, Aronson). L'individu serait contraint à sans cesse chercher à conserver une cohérence entre ses attitudes et ses comportements (Festinger, 1957) afin de restaurer ou de maintenir un soi consistant, stable et compétent. Ainsi, plus les individus ont une forte estime d'eux-mêmes, plus ils vont tenter de réduire la dissonance, à laquelle ils sont très sensibles car cela peut ébranler leur image, bafouer leur identité.

Et pour cause, tout individu souhaite se présenter face à autrui comme une personne consistante et moralement « bonne ». Ce qui lui importe est davantage de paraître consistante que de l'être réellement. Il peut donc feindre la consistance et ainsi mieux gérer ses relations interpersonnelles. La réduction de la dissonance permettrait de manière plus globale une meilleure adaptation à son environnement.

Résoudre la dissonance

Ainsi, si une personne est amenée à faire quelque chose qu'elle ne veut pas, celle-ci peut résoudre la problématique par un processus de rationalisation, en ajustant a posteriori ses attitudes au comportement de soumission (rationalisation cognitive) et donc en changeant d'attitude. Elle peut également s'engager à effectuer ultérieurement un comportement plus problématique encore que celui qui avait provoqué la dissonance (rationalisation en acte).

Cela explique que lorsqu’un individu est enjoint (sans forte pression extérieure) à adopter un comportement qui n'est pas en accord avec son attitude (ex : obligation de mettre sa ceinture en voiture), il va finir par ajuster ses opinions à ce comportement pour réduire son état de malaise.

La recherche de Festinger et Carlsmith (1959), connue sous le nom de « 20 $ pour un mensonge », montre que plus le conflit psychique est important (réaliser une tâche très fastidieuse pour une très faible rémunération), plus l'individu fait des efforts cognitifs pour résoudre cet inconfort (il apprécie davantage le travail réalisé que celui qui est bien rémunéré pour cela). Si l'on offre 1$ ou 20$ à une personne pour effectuer une tâche, celle qui a reçu la somme la plus importante légitime son action par cette rémunération et juge par conséquent la tâche inintéressante; à l'inverse, celui qui n'a reçu qu'1$ se sent mal à l'aise d'avoir réalisé une telle tâche pour si peu d'argent et compense en disant qu'il a trouvé la tâche amusante.

Et même lorsqu’il est amené à adopter un comportement qu’il lui est difficile de réaliser en ce qu'il est dérangeant (ex : bizutage pour intégrer un groupe), il justifiera son comportement a posteriori en considérant que le groupe intégré est d’autant plus important que l’acte est « coûteux » (Aronson et Mills, 1959). En effet, plus l'individu effectue des efforts pour réaliser quelque chose de déplaisant, plus la dissonance est forte et plus il devra accroître la désirabilité de l’objectif pour se justifier ; il ajoutera alors des cognitions consonantes qui contrebalanceront la dissonance. Il légitime ainsi son comportement en le rationalisant et en lui apportant des causes internes (“j’ai décidé de”).

Si en revanche, l'individu est contraint par une forte pression extérieure à agir d'une certaine façon, alors il se justifiera par des causes externes (ex: si je ne le fais pas, je dois payer une amende). De même, si l'individu peut refuser le comportement qu'on lui propose, alors les individus jugent plus positivement la tâche (Festinger et Carlsmith, 1959).

Et pour cause, lorsque l'individu n'a d'autre choix que de changer son attitude car il ne peut modifier la norme sociale (ex: respect du code de la route), il ne peut que changer ses comportements futurs pour les rendre conformes à la norme si cela provoque un état de dissonance trop inconfortable. Parfois, ce n'est pas la norme qui contraint, mais le fait de constater l'inconfort d'une personne agissant de façon inconsistante avec ses propres attitudes. C'est ce que l'on appelle la dissonance vicariante : « quand j’observe quelqu’un se comporter d’une certaine façon et que ces comportements débouchent sur des conséquences aversives, je peux très bien ressentir sa tension et son inconfort » (Cooper, 2007, p. 121). Si l'individu semble appartenir au même groupe social que lui (et si le groupe est alors saillant et attractif), l'observateur va ressentir la tension de l'autre et y puiser sa motivation à changer d'attitude lui-même.

Dans un autre contexte, quand l'individu doit faire un choix difficile entre deux choses, il a tendance à surévaluer l'attractivité de l'une d'elles et à dévaluer l'autre (spreading of alternatives, Brehm (1956)). Il est en effet obligé de changer d'attitude à l’égard des objets pour réduire la dissonance.

Il existe beaucoup d'autres techniques de réduction de la dissonance (surconfiance, déni de responsabilité, affirmation de soi, refoulement, etc.). Si beaucoup peuvent conduire à un changement d'attitude, cela n'est plus le cas lorsque l’attitude est centrale pour les individus ou liée à une identité sociale.

La technique de l’auto-prophétie consiste par exemple à demander à une personne : « Pouvez-vous prédire que vous pratiquerez du sport ? ». Cette question met en exergue l'inconsistance entre les croyances normatives ("il faut faire du sport") et le comportement ("je ne fais pas de sport"). Cette dissonance cognitive peut être réduite par la mise en conformité des prédictions avec le comportement ; c'est ce que tendront à faire ceux qui ont fait une prédiction (ils reviennent plus souvent au club de sport que ceux qui ne l'ont pas fait).
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