Attitudes
Qu'est-ce que l'attitude ?
Les attitudes renvoient à "un sentiment général persistant positif ou négatif sur une personne, un objet ou un thème" (Petty et Cacioppo, 1981). Les sentiments, croyances, expériences influencent la façon de voir le monde, de penser et d'agir. Chacun possède en effet des attitudes sur des choses (abstraites ou concrètes), sur des individus, des thèmes (ex : l'enseignement) ou encore sur des catégories ou des groupes (ex : les manteaux de fourrure, les prolétaires, etc.). Les attitudes diffèrent donc d'une personne à une autre et les affirmer fait partie de l'identité.
Cela conduit à prendre position sur des sujets, à se comporter d'une certaine façon face à une situation donnée, etc. Ainsi, l'attitude crée une prédisposition à se comporter d'une certaine manière. En instaurant des prédispositions favorables ou défavorables à l'égard d'un objet, les attitudes conduiront en effet à agir d'une manière qui est propre à chacun, ce qui explique la diversité des comportements humains.
$$ Selon Eagly et Chaiken (1993), l'attitude est "une tendance psychologique exprimée par l'évaluation d'une entité particulière selon un certain degré de faveur ou de défaveur". L'attitude envers un objet peut être considérée selon son intensité (détestation/adoration), sa direction (polarité positive/négative), sa centralité (importance de l'implication envers l'objet). $$L'attitude est un intermédiaire abstrait entre les choses et les comportements individuels. Elle serait pour certains une simple évaluation (favorable/défavorable; attirance/dégoût) d'un objet (modèle unidimensionnel).
Pour d'autres, l'attitude est plus complexe en ce qu'elle se compose de trois éléments (modèle tripartite):
- croyances (éléments cognitifs) : idées et connaissances à propos d'objets donnés (caractéristiques, relations entre objets, etc.) provenant de l'expérience personnelle ou d'informations extérieures (ex: publicité)
- sentiments (éléments affectifs) : attrait ou répulsion en vers un objet permettant d'évaluer son degré de désirabilité ou d'indésirabilité
- comportement (élément conatif) : intention d'agir
$$ Par exemple, l'information sur un soda (composante cognitive) révèle des caractéristiques peu reluisantes (ex: forte teneur en sucre) qui suscite une certaine répulsion (composante affective) et qui conduisent à ne pas en acheter (composante conative). Ce modèle cognitif/affectif/conatif est appelé dans la littérature anglo-saxonne le modèle ABC des attitudes (Affect, Behavior, Cognition). $$
Certains chercheurs ont mêlé le modèle unidimensionnel au modèle tripartite (modèle tripartite révisé), estimant qu'en connaissant l'attitude d'un individu, il est possible de prédire son comportement dans une situation donnée. L'attitude est alors une opinion mesurée sur un axe allant de l'aversion à l'attirance. Cette opinion sera basée sur des éléments cognitifs, affectifs et conatifs (comportements passés et intentions de comportements futurs).
$$ L’attitude d’un individu peut s'appuyer sur une dimension plus que sur une autre (ex: cognitive plutôt qu’affective), mais aussi sur les expériences passées ou sur des informations extérieures (ex: communication persuasive). $$Mais les circonstances et les expériences ultérieures peuvent conduire à un changement d'attitude. Toutefois, ce changement a un coût d’autant plus grand pour l’individu que cette attitude renvoie à une valeur fondamentale, à une expérience importante pour lui ou entretient une forte implication à l'égard de l'objet.
Types d'attitudes
Certaines attitudes sont centrales selon le contexte (convictions fortes, valeurs fondamentales de l'individu), d'autres sont périphériques et donc moins stables (ex: vote). On distingue également les attitudes explicites, dont l'individu est conscient et qu'il peut verbaliser, des attitudes implicites, qui sont "des traces de l’expérience passée" (Greenwald et Banaji, 1995), qui, bien que non verbalisés, "polarisent affectivement et médiatisent les pensées, sentiments et jugements relatifs à des objets sociaux". La mémoire implicite permet en effet de conserver les traces d’une expérience passée qui peut avoir été oubliée tout en ayant néanmoins une influence sur les pensées, le jugement, les affects et les actions (Shapiro et Krishnan, 2001 ; Courbet, 2011).
$$ Pour certains chercheurs, une attitude dite implicite renvoie à un type de processus impulsif et donc à un traitement de l'information rapide, sans intention de connaître sa validité ou sa crédibilité (Strack et Deutsch, 2004). $$Aussi, un individu peut avoir une attitude explicite et une attitude implicite différentes par rapport à un même objet. Si par exemple une première attitude s'est changée en attitude 2, l'individu va conserver la première au niveau implicite tandis que l'autre sera exprimée au niveau conscient ; toutes deux vont ainsi coexister (modèle de l’attitude duale, 2000).
Par ailleurs, l'attitude peut être forte (stable quelles que soient les situations et donc résistante aux influences, impactant le comportement car se sentant personnellement concerné) ou faible (malléable, dépendante du contexte, dont l'information dont on dispose sur le moment). L'individu ayant une attitude forte dispose d'une grande confiance dans la validité de celle-ci.
Attitudes et comportement
Les comportements individuels dépendent de la personnalité de l'individu, de son système de pensée, mais aussi du contexte dans lequel il se trouve. C'est en fonction de l'organisation de tous ces éléments au sein d'ensembles mentaux relativement cohérents et constants (croyances, stéréotypes, affects et comportements valorisés, etc.) que l'individu se crée une vision simplifiée du monde en réalité complexe. A partir de cela, il évalue rapidement les objets présents dans son environnement physique ou social et peut ainsi s'adapter aux diverses situations qu'il rencontre.
Ainsi, l'attitude induirait un type de comportement face à une situation donnée. Ce comportement pourrait donc être prédit. Mais si les comportements sont généralement induits par les attitudes, il arrive cependant que l'individu ait connaissance d'une information (ex: le tabac tue) sans que cela n'induise un comportement allant dans le même sens (ex: fumer). Le lien entre l'attitude et le comportement est en réalité relativement faible (Wicker, 1969).
$$ En 1934, LaPiere entrepris de voyager avec un couple de jeunes chinois aux États-Unis, où demeuraient des préjugés importants à l'égard des Chinois. Durant son périple, il notait combien d'hôtels acceptaient de louer une chambre au couple chinois : finalement, un seul avait refusé sur plus de 200 visités. Pourtant, lorsque 6 mois après il demandait à chaque hôtelier via un questionnaire s’il accepterait d’accueillir des membres de la communauté chinoise, la grande majorité répondait par la négative. Ainsi, un écart important était constaté entre attitude et comportement. $$En effet, le comportement résulte de l'attitude, mais celles-ci peuvent être multiples. Des attitudes différentes peuvent coexister vis-à-vis du même objet : par exemple, aimer fumer (composante affective) tout en sachant que cela n'est pas bon pour la santé (composante cognitive). En outre, le comportement résulte aussi de la situation, du contexte. Les facteurs situationnels doivent ainsi être pris en considération pour comprendre une contradiction entre le comportement d'un individu et son attitude. Une situation peut en effet impliquer plusieurs attitudes différentes.
En outre, l'attitude influencerait le comportement seulement si l'intention à agir est formulée : le comportement d'une personne serait déterminé par son intention à l'adopter. Cette intention résulterait elle-même de son attitude et des normes qu'elle applique à la situation (Ajzen et Fishbein, 1975) : c'est la théorie de l’action raisonnée. Si donc l'attitude et les normes subjectives son favorables à la réalisation du comportement, l'intention sera forte et l'action pourra être réalisée. Ainsi, il serait dans une certaine mesure possible de prédire le comportement ; toutefois, cela ne fonctionne que si l’individu a le contrôle de la situation.
$$ La comportement d'une personne serait déterminé par son intention à l'adopter. En effet, l'individu agirait de façon raisonnée, effectuant des choix pensés et volontaires. Son comportement serait donc placé sous le contrôle de la volonté : il résulterait donc d'une intention comportementale qui détermine la propension à faire un effort pour se comporter d'une certaine façon. Cela serait sous-tendu par l'attitude de l'individu envers le comportement à adopter : selon ses croyances, l'attitude est évaluée positivement ou non (ex: probabilité d'obtenir des résultats spécifiques). Mais cela est également sous-tendu par des normes subjectives liées à des croyances : ce que la personne considère comme normal par rapport à la société, aux autres, à son groupe social d'appartenance. Pour conserver son image vis-à-vis des autres, elle évalue donc sa motivation à se plier aux normes en fonction de la pression sociale qui pèse sur le comportement à effectuer. Ainsi, les éléments extérieurs influencent les intentions d'une personne à réaliser un comportement. Si l'attitude et les normes subjectives sont favorables à la réalisation du comportement, alors l'intention sera forte. Si en revanche l'attitude et les normes subjectives divergent, il y aura une dissonance qui réduira la possibilité d'effectuer le comportement. $$Mais la façon dont est perçu le comportement influence aussi sa réalisation. Selon ses expériences passées, l'individu peut juger facile ou difficile de le réaliser en anticipant les obstacles (théorie du comportement planifié). Et plus l’individu pense avoir du contrôle sur un comportement, plus il aura l'intention de le réaliser. Son intention dépend donc de sa perception du contrôle comportemental.
Aussi, l'intention de se comporter d'une certaine façon dépend du comportement passé (Conner et Armitage, 1998) : les comportements quotidiens et les habitudes ont une influence sur les comportements à venir. Et pour cause, avoir une forte habitude n'engage pas à chercher autre chose. Ainsi, lorsque des comportements sont réalisés quotidiennement ou de façon hebdomadaire dans un contexte stable, ils ont un fort impact sur le comportement futur (car il peut s'agit d'automatismes, comme mettre sa ceinture de sécurité).
$$ L’opportunité et la motivation à s'engager dans un processus de réflexion permettant la construction d'une attitude envers le comportement facilite la formation d'une intention comportementale. Cela dépend notamment des normes morales ou des croyances personnelles : « Comment une personne comme moi, en fonction de mon rôle, devrait se comporter ? » (Godin et Kok, 1996). $$Mais malgré une multitude d'études visant à comprendre et prédire un comportement en fonction de l'attitude et de l'intention individuelles, il demeure difficile de changer les intentions et les comportements. Les recherches permettent davantage d'identifier les croyances conduisant à la formation de l’intention, puis du comportement. Elles permettent également de comprendre le décalage observé entre l’intention et le comportement effectif.